Droits de l’homme en RDC : Lambert Mende répond aux experts de l’ONU

L’espace politique s’est réduit au cours des neuf premiers mois de l’année en République démocratique du Congo. C'est la conclusion du rapport du Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme. Cent quarante-trois violations constatées à caractère politique, plus de vingt exécutions sommaires, des centaines de détentions arbitraires ont été décomptées. A un an des élections, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, comme la Monusco, appelle les autorités congolaises tout comme les partenaires étrangers de la RDC à étudier les mesures préconisées par ce rapport pour pouvoir assurer la crédibilité du processus électoral à venir. Après un entretien, mercredi, avec le responsable du Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme, Jose Maria Aranaz, c'est le ministre de la Communication de la RDC, Lambert Mendé, qui lui répond.

RFI : Les Nations unies parlent d’un rétrécissement de l’espace démocratique en République démocratique du Congo. Comment réagissez-vous ?

Lambert Mende : Nous sommes tout à fait conscients des efforts qu’il nous reste à faire pour atteindre les engagements que nous avons pris au niveau des Nations unies et au niveau de notre peuple en ce qui concerne le respect des droits de l’homme. Mais nous estimons qu’avec ce rapport du bureau conjoint des Nations unies et de la Monusco, on a l’impression que les experts se transforment plus en une nouvelle ONG, en un nouveau parti politique pour dénoncer ce qui se passe et ne nous aide pas suffisamment à améliorer le service que nous rendons, à prendre en compte notamment les efforts que nous faisons pour réprimer les mauvaises habitudes qui peuvent s’être installées dans ce pays pendant des années, et dont il faut un effort sérieux, soutenu. C’est pour cela même que nous avons négocié leur présence ici. Mais on a l’impression qu’ils se préfèrent dans le rôle de caisse de résonnance d’une opposition.

Il existe des standards pour ce type de rapport. Vous doutez que ces standards aient été respectés pour ce rapport ?

Non, pas du tout. Les standards ne sont pas respectés, parce que d’abord le principe du contradictoire est manifestement négligé. Deuxièmement, il y a un travail que nous pouvons appeler un travail de perroquet. On ne fait que répéter finalement les accusations des partis politiques de l’opposition. C’est un partenaire institutionnel qui doit prendre en compte tous les éléments, c’est-à-dire tenir compte aussi bien de ce qui ne va pas, que des efforts qui sont faits pour améliorer la situation et nous aider à aller beaucoup plus loin, notamment en mettant à notre disposition des informations.

Pourtant sur les manifestations de janvier, ils évoquent une vingtaine d’exécutions sommaires. Est-ce que ça veut dire que, en faisant le tour des morts par exemple, vous n’avez pas constaté ces décès-là ?

Il y a eu des décès, mais les attribuer tous à la police, c’est vraiment ne pas prendre une distance critique par rapport aux évènements. Beaucoup de gens sont morts dans des magasins qu’ils allaient piller, tués par le personnel de sécurité, pas par la police. Pourquoi ignorer cela ? Nous leur avons dit cela. Et nous, nous ne voyons pas autre chose que de la dénonciation. Ça c’est quelque chose qui nous paraît questionnable dans le rôle qu’ils jouent dans notre pays.

Qu’est-ce qui vous paraît pertinent dans les recommandations qu’ils font à la fin de leur rapport ?

Même les recommandations copient pratiquement, mot pour mot, les recommandations de l’opposition et des ONG. Lisez très bien. C’est vrai que nous avons des problèmes avec les Nations unies. C’est vrai que nous sommes engagés à la demande du Conseil de sécurité dans un dialogue stratégique avec les Nations unies pour revisiter justement ces méthodologies-là. Nous avons un problème avec l’emploi du personnel étranger par rapport au personnel national, mais nous ne voudrions pas que le bureau conjoint se mette à nous faire payer ces revendications qui sont tout à fait légitimes que notre gouvernement fait, en se transformant en opposition ou en ONG au lieu de continuer à faire un travail de partenariat institutionnel que nous recherchons de leur part.

Parmi ces recommandations, il y a tout de même d’éviter l’usage abusif de la force qu’ils estiment avoir lieu dans les manifestations, et le fait de mieux équiper la police pour qu’elle puisse faire du maintien de l’ordre ?

C’est tout à fait déplacé de parler d’usage abusif de la force au mois de janvier. En quoi est-ce que nous pouvons être accusés d’avoir utilisé de façon abusivement la force lorsque deux policiers sont tués ? Comment voulez-vous que les policiers ne réagissent pas lorsqu’on tire sur eux ? C’est tout à fait déplacé comme recommandation à notre avis.

Et sur les arrestations arbitraires. Ils parlent de plus de 600 cas au cours des 9 premiers mois de l’année 2015. Il y a des durées de détention parfois, et notamment à l'Agence nationale de renseignements (ANR), qui sont longs avant que les gens soient présentés à la justice. Est-ce que vous ne pensez pas que là-dessus le gouvernement pourrait faire un effort ?

Je pense qu’ils critiquent même la justice, qu’ils se permettent même de se substituer à la justice. Ça, c’est quelque chose d’assez étonnant que des gens qui ont des connaissances juridiques comme nous, puissent se permettre de juger les juges. Il paraît que c’est eux qui peuvent déterminer de qui est innocent, qui peut être gardé en détention et de qui est coupable. Ce n’est pas leur rôle. Et on n’a pas à remplacer notre justice par le bureau conjoint. On les a appelés pour assister notre justice, pas pour se substituer à elle.

On parle des militants de Filimbi par exemple qui ont mis du temps à être présentés à la justice. Les délais de la loi sont clairs sur le fait qu’il y a 48 heures, et ils n’ont pas été présentés dans les 48 heures.

C’est eux qui le disent et j’aurais aimé que les avocats de ces gens en parlent, pas le bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’homme.

C’est tout de même les Nations unies. Est-ce que vous ne craignez pas que si vous n’arrivez pas à discuter au moins avec eux de leurs préoccupations, cela puise peser, comme ils disent, sur la crédibilité du processus électoral ?

Nous n’avons pas à aller chercher la crédibilité du processus électoral à l’étranger, c’est auprès de notre peuple que nous devons rechercher cela. C’est pour cela que nous avons convoqué un dialogue pour nous mettre tous d’accord sur les pratiques que nous devons adopter, sur les pratiques que nous devons abandonner. Il faut qu’on cesse de croire qu’on va nous amener à nous considérer comme un pays sous tutelle de qui que ce soit.

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