Les doutes sur les chiffres de la croissance chinoise

Comment évaluer le ralentissement de la Chine ? Un vrai casse-tête pour les économistes de plus en plus méfiants à l'égard des statistiques fournies par Pékin. Le dernier chiffre de la croissance chinoise publié lundi 19 octobre 2015, + 6,9 % au troisième trimestre, a relancé le débat.

+ 6,9 % de croissance, c'est mieux que ce que les observateurs prévoyaient, c'est donc une excellente performance vue de Pékin. Le président Xi Jinping en tournée au Royaume-Uni s'en est réjoui. Il y a de quoi. Ce chiffre est conforme à l'objectif de 7 % pour 2015. Cela accrédite la thèse d'un virage maîtrisé du développement chinois.

Plusieurs faits contredisent ce récit arithmétique de l'atterrissage en douceur. La dévaluation inattendue du renminbi début août d'abord. Quand on dévalue c'est qu'on a besoin d'un peu d'oxygène pour mieux exporter. La chute de la bourse de Shanghaï ensuite, qui a rendu les analystes encore plus suspicieux. En règle générale, les chiffres fournis chaque trimestre intriguent parce qu'ils sont stables, jamais très éloignés de l'objectif officiel fixé en début d'année. Comme si les statistiques étaient orientées en fonction des souhaits des dirigeants communistes chinois.

Les provinces sont soupçonnées de gonfler leurs chiffres

Les provinces, les entreprises, tous les acteurs s'arrangent à des degrés divers avec les données à leur disposition. Même les chiffres de la mortalité routière sont sujets à caution. Il y a eu 260 000 morts sur les routes chinoises en 2013 d'après l'Organisation mondiale de la santé, c'est-à-dire quatre fois plus que les chiffres officiels fournis par Pékin. Il y a aussi les indicateurs à publication variable. Les données sur le coût induit de la pollution ont disparu depuis cinq ans. Le coefficient de Gini qui mesure les inégalités est réapparu en 2012 après une absence de dix ans.

Le taux de croissance, lui, en revanche, est publié avec une régularité métronomique. Et les Chinois font de réels efforts pour rassurer sur leur statistique. Ils se conforment progressivement aux normes du FMI. Mais cela ne suffit pas à lever le doute. Même la rapidité de l'institut chargé des statistiques étonne : les Chinois mettent 15 jours à compiler les données d'un trimestre quand les Américains prennent six semaines.

L'actuel Premier ministre Li Keqiang a lui-même émis des doutes sur les chiffres de la croissance quand il gouvernait la province du Lianoning.

On l'a appris en 2010 par une fuite de l'ambassade américaine. A cette époque, il préférait regarder la consommation d'électricité, le volume du fret et celui des prêts bancaires pour avoir une image plus exacte de l'état de sa région plutôt que le seul taux de croissance. Une grille adaptée à cette région très industrielle. A l'échelle de la Chine, l'analyse est plus compliquée. La consommation d'électricité a effectivement baissé par rapport à l'année dernière.

Mais on ne sait pas si cela est dû à une meilleure efficacité énergétique ou bien à une diminution réelle de l'activité. Le volume de fret est également un indicateur difficile à interpréter. Une baisse signifie une moindre activité industrielle, mais cela ne nous dit rien sur l'évolution des services. Dans ce brouillard, les analystes indépendants, pressés par des investisseurs qui ont besoin d'informations fiables, en sont donc souvent réduits à utiliser le taux officiel et à le pondérer à l'aide de leurs propres indicateurs. D'après ces estimations, la croissance chinoise serait plutôt de l'ordre de 5 % pour 2015.

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