En fait, il ne s’agit pas vraiment d’une restauration mais d’une reconstruction. L’ancienne mosquée, construite en 1904, est rayée de la liste des monuments historiques en 2008, après le début des travaux. En 2011, le conseil des muftis prend la décision très controversée de démanteler l’édifice historique sous prétexte qu’il est vraiment trop vétuste et délabré. Ce qui suscite évidemment le mécontentement de l’opinion et des défenseurs du patrimoine. Ils dénoncent « un acte de barbarie », la destruction d’un bâtiment à valeur historique, culturelle et commémorative, unique non seulement pour les musulmans, mais pour l’ensemble des habitants de Moscou. La modernisation de la Grande Mosquée a été marquée par une série de procès. Plusieurs architectes, écartés en cours de route, exigeaient la reconnaissance de leurs droits d’auteur et le versement d’indemnisations. Et comme tout grand chantier en Russie, celui de la Grande Mosquée a lui aussi fait l’objet d’accusation de violation de normes de construction et de détournement de fonds.
Impressionnant
La nouvelle mosquée compte cinq étages. Son dôme culmine à 46 mètres, les minarets s’élancent à 72 mètres. L’édifice, ultra moderne, est doté de sept ascenseurs et d’un système d’air conditionné. Il est accessible aux personnes handicapées, chose rare en Russie. Les travaux ont coûté près des 150 millions d’euros, rassemblés par les fidèles. Le plus important sponsor est l’oligarque daghestanais Suleyman Kerimov, qui a donné 100 millions d’euros au projet. La Turquie a fait don du minbar et le mihrab, et a financé les travaux de finition des intérieurs. Le président palestinien Mahmoud Abbas, a quant à lui contribué 22 000 euros.
Un évènement crucial pour les musulmans de la Russie
L’évènement est évidemment très médiatisé. C’est l’occasion de rassembler des leaders musulmans à Moscou, les présidents de la Palestine, de la Turquie et du Kazakhstan. Montrer que la Russie est un pays ouvert et multiculturel. Mais pour la communauté musulmane russe, cette nouvelle mosquée pose des problèmes et n’en résout pas d’autres. Pour certains, les festivités de l’inauguration n’ont pas pour objectif de rappeler l’unité de tous les musulmans de Russie, mais d’augmenter la cote de popularité internationale du président du conseil des muftis, Ravil Gainoutdin.
Par ailleurs, les Tatars de Moscou ont très mal vécu la destruction du bâtiment historique décorée par l’un des leurs. Le nouvel édifice a été en grande partie financé par un homme d’affaires daghestanais, la Grande Mosquée, jadis tatare, est désormais perçue comme une mosquée « caucasienne ».
Enfin, une question essentielle n’a pas été résolue : les lieux de culte musulmans manquent cruellement à Moscou qui ne compte qu’une demi-douzaine de mosquées pour près de 2 millions de fidèles. Aussi impressionnante soit-elle, la Grande Mosquée reste trop exiguë. Les 100 000 fidèles qui y affluent pour les grandes fêtes continueront de prier dans les rues adjacentes.