Le premier janvier 2001, Buenos Aires déclare être dans l'incapacité de rembourser les 100 milliards de dollars dus par l'Etat argentin entre autres au FMI. Pour tenter de maitriser cette crise des paiements, les retraits bancaires avaient été sérieusement limités un mois plus tôt. Et les capitaux bloqués. Le peso qui était jusqu'alors arrimé au dollar est dévalué.
Le pays, déjà en pleine débâcle, s'enfonce dans le chaos total. Politique : le président s'enfuit en hélicoptère. Et économique : au plus fort de la crise jusqu'à 60 % de la population argentine se retrouve en situation de grande pauvreté. Le Produit intérieur brut chute de 11 % en un an.
Cela donne un avant goût de ce qui pourrait arriver à la Grèce en cas de défaut, surtout si ce défaut s'accompagne d'une sortie de la zone euro. La suite de l'histoire argentine est ambivalente. Le point positif c'est que le pays s'est très vite redressé.
Grâce à ses exportations agricoles, l'Argentine connait même une croissance record au début du millénaire
L'Argentine profite du boum des matières premières déclenché par la voracité de la Chine. Les cours du soja et du maïs s'envolent. Ca tombe bien : l'Argentine en est l'un des premiers producteurs et exportateurs. Avec les taxes sur la marchandise qui sort du pays, l'Etat renfloue ses caisses. Ses exportations agricoles ont aussi profité de la dévaluation du peso.
Buenos Aires entreprend alors de restructurer sa dette, elle n'en remboursera finalement que le quart. Reste encore à gérer le contentieux avec les fonds vautours. La Grèce, elle, n'a quasiment que du pétrole raffiné à exporter mais elle doit d'abord en importer pour le transformer, la valeur ajoutée ainsi dégagée est donc minime.
Ce n'est pas son coton et son huile d'olive, autres produits grecs d'exportation, qui vont lui permettre de renouveler l'exploit argentin. Enfin, autre différence notable avec l'Argentine, la Grèce est très dépendante des importations pour satisfaire la demande intérieure. Une dévaluation va donc l'appauvrir encore plus, tandis que le pays sud américain est relativement auto-suffisant.
L'Argentine va mieux, mais elle est toujours indésirable sur les marchés de capitaux
Effectivement, Buenos Aires ne peut toujours pas lever de dette à l'étranger. La justice américaine lui interdit tant qu'elle ne rembourse pas les fonds vautours. Du coup, l'Etat argentin emprunte sur le marché domestique, à des taux record : 27 % d'intérêt annuel pour les bons du trésor émis au début du mois de juin.
Etre un paria sur les marchés financiers depuis près de 15 ans lui coûte de plus en plus cher, et la grogne sociale monte, car le gouvernement n'a toujours pas réussi à dompter l'inflation, de l'ordre de 40 %. La Grèce, écrasée aujourd'hui par une dette qui représente 170 % de son PIB, sera allégée du fardeau en cas de défaut mais prisonnière malgré elle des marchés.
Enfin dernière inconnue : les répercussions sur son environnement. La crise argentine a été quasiment neutre pour ses voisins, mais un écroulement de la Grèce pourrait être potentiellement explosif pour le reste de l'Europe. Pas tellement en termes économiques, mais certainement en termes géopolitiques. Etant donné ses relations avec la Russie de Poutine, sa géographie qui fait d'elle un pays en première ligne dans l'accueil des migrants et ses capacités militaires dirigées contre la Turquie, Bruxelles n'a que des bonnes raisons d'éviter un défaut grec.
La chronique Aujourd’hui l’économie s’interrompt pour l’été.