À première vue, il n'y a pas d'urgence. L'Australie fait toujours partie du club restreint des détenteurs du triple A, c'est-à-dire des pays où les comptes publics sont bien tenus. Avec une croissance constante depuis 22 ans, y compris pendant la crise, cette nation a de quoi faire des envieux. Son surnom « pays de la chance » n'est pas volé. À moins que la chance ne soit en train de tourner ? Ce qui tourne en Australie, de plus en plus lentement et sûrement, c'est surtout l'horloge biologique qui impose son propre rythme au gouvernement. Dans les trente ans, le nombre des plus de 65 ans aura doublé, celui des plus de 85 ans triplera. Cette nouvelle donne est universelle, ce n'est pas une spécificité australe, mais le gouvernement de Canberra a décidé de prendre les devants parce qu'il sait que le moteur de l'économie, l'exploitation des richesses minières, va s'essouffler lorsque les Chinois ralentiront leurs importations de charbon et de métaux. Pour faire face à cette nouvelle équation dictée autant par l'économie que par la démographie, le gouvernement a concocté un vaste plan de réformes visant à réduire les dépenses publiques.
L'Australie deviendra donc le pays où la vie au travail sera la plus longue
Plusieurs pays occidentaux ont déjà réformé leur régime de retraite pour tenir compte du vieillissement. En Grèce l'âge de la retraite a reculé de 65 à 67 ans en 2013. En Finlande, la retraite commence entre 63 et 68 ans. L'Allemagne où le vieillissement est le plus rapide d'Europe a été l'un des premiers États à reculer l'âge de la retraite, à l'époque du gouvernement Schröder. Mais la coalition formée par Angela Merkel avec les sociaux-démocrates est en train de faire machine arrière. Ceux qui ont travaillé 45 ans peuvent dorénavant partir dès 63 ans au lieu de 65 ans. Cette volte-face s'explique aussi par la démographie électorale du pays. Les plus âgés sont les plus nombreux à voter et ils imposent leur agenda à ceux qu'ils portent au pouvoir.
Quel que soit le régime des retraites, le travail des seniors est de plus en plus répandu
Pour certaines catégories de la population, travailler plus longtemps va déjà de soi. Pas forcément pour des questions de pouvoir d'achat. Aux États-Unis par exemple, dans la tranche des 62-74 ans, les plus qualifiés restent majoritairement actifs, tandis qu'un tiers seulement parmi ceux qui ont arrêté l'école après le lycée sont encore au travail à cet âge. Le degré de formation devient un critère prépondérant dans l'accès au travail. Résultat, les mieux formés travaillent plus longtemps, gagnent mieux leur vie, accumulent plus de patrimoines et sont donc mieux en mesure d'assurer leurs vieux jours, tandis que les moins qualifiés, cassés par des boulots harassants, sont les grands perdants, en terme de salaire, comme de retraite. C'est pourquoi le seul critère de l'âge apparait de plus en plus insuffisant pour offrir un régime de retraite durable et équitable. La réforme demande à être modulée.