El Niño va-t-il faire son retour cette année ? Si oui, cet enfant capricieux de la météo devrait chambouler les prix des matières premières. L'apparition tous les trois à cinq ans de ce courant chaud dans la zone intertropicale du Pacifique fut observée dès le 19e siècle par les pêcheurs sud-américains : le poisson se faisait rare et le phénomène s'accentuait autour de Noël, alors on le baptisa El Niño, comme l'enfant Jésus.
Cette année, les premiers signes pourraient apparaître dès le mois de juin, voire dès le mois prochain, selon l'Organisation météorologique mondiale, confirmant les craintes des bureaux de prévision aux États-Unis, au Japon et en Australie, selon lesquels El Niño a de 25% à 70% de chances de se manifester à nouveau, cinq ans après sa dernière apparition marquante.
Non seulement le courant chaud éloigne les bancs de sardine et d'anchois des côtes du Pérou, premier exportateur mondial de ces petits pélagiques qui nourrissent les saumons chiliens ou norvégiens, mais il bouleverse les masses de l’atmosphère. Les pluies font place à la sécheresse en Asie du Sud-Est, mettant en danger les récoltes de riz, d'huile de palme, de caoutchouc. Risque de sécheresse également en Nouvelle-Zélande, premier exportateur mondial de lait, et en Australie, grand exportateur de blé, de sucre et de viande.
L'Inde, moins arrosée par la mousson, pourrait produire moins de riz, de sucre et d'oléagineux. En Afrique de l'Ouest, un temps plus chaud et plus sec pourrait amputer la production de cacao. À l'inverse, on observerait beaucoup plus de pluies sur le continent américain, un bienfait pour le blé, le maïs et le soja des Amériques. Mais en Chine, inondations au sud, gel au nord pourraient mettre en péril le riz, le coton, le maïs ou le soja chinois.
Ces craintes se sont déjà matérialisées dans l'augmentation des prix de certains produits depuis un mois : le cacao a renoué avec ses records, l'huile de palme a accentué sa reprise, et le caoutchouc commence même à sortir de l'ornière où la surproduction l'avait jeté.