Les Britanniques ont été les plus explicites. Le Royaume-Uni ne devrait pas soutenir des sanctions, préconise un conseiller de David Cameroun dans une note confidentielle qui a opportunément fuité hier. Ce serait trop nuisible aux intérêts économiques nationaux. Pas question de se fâcher avec les dirigeants des sociétés russes cotées à la City, où avec les milliardaires russes qui financent le foot britannique et font flamber l'immobilier de luxe. Mais il y a aussi des intérêts plus larges.
La Russie est le seul pays avec lequel le Royaume-Uni enregistre une balance positive des comptes courants. Grâce surtout à la présence des sociétés britanniques sur le sol russe. Les autres pays européens doivent aussi y réfléchir à deux fois avant de recourir à l'arme économique à l'égard d'un partenaire souvent important dans leurs échanges. La moitié des échanges commerciaux de la Russie se font avec l'Europe, 4 % seulement avec les États-Unis. Et 75 % des investissements étrangers en Russie proviennent de l'Union européenne.
La France a des liens assez forts avec la Russie
Pour en témoigner : le contrat des deux porte-hélicoptères Mistral qui a mis des années avant d'aboutir et dont on a beaucoup parlé parce qu'il a permis aussi de maintenir l'emploi à l'arsenal de Saint-Nazaire. La Russie, c'est donc un atout pour le commerce extérieur français et aussi pour l'emploi. L'aéronautique, le luxe, la pharmacie ont des débouchés importants en Russie. Mais aussi l'automobile avec Renault qui est très implanté localement, tout comme les banques. L'Europe est le premier créancier de la Russie et ce sont les banques françaises qui sont les plus exposées. Enfin, l'autre composante du commerce de la Russie avec la France en particulier et l'Europe en général, c'est bien sûr l'énergie. Le tiers du gaz et du pétrole consommé dans l'Union sont d'origine russe. L'Allemagne et l'Italie sont les plus dépendants à l'égard de Gazprom.
Un embargo sur les hydrocarbures russes n'est donc pas réaliste ?
Moscou apprécie ses clients européens qui importent de plus en plus en payant toujours rubis sur l'ongle. Un embargo serait sans doute très dommageable à son économie et donc potentiellement efficace. Mais les clients européens ont-ils envie d'en payer le prix ? Car la hausse du pétrole et du gaz sur le marché mondial que cela déclenchera aura des conséquences négatives sur une Europe à peine remise de la crise. Sans parler des pénalités que Moscou exigerait pour ce défaut, conformément aux contrats signés. L'Amérique qui regorge de gaz et de pétrole a beau jeu de se présenter en fournisseur potentiel de ses alliés européens. Mais dans l'immédiat, ce n'est pas faisable, car les infrastructures manquent et le feu vert de la Maison-Blanche n'a toujours pas été donné pour les exportations américaines. Un contexte qui se prête bien peu à une guerre commerciale avec la Russie.