RFI : Que doit-on comprendre de cet appel, ce matin, des militaires ? Est-ce que cela ne va pas exacerber un peu plus les contestataires au pouvoir ?
Olivier Védrine : On sent des tensions ici sur le terrain, une tension qui est palpable. On a eu, pendant quelques jours, un faux calme et on sent bien qu’à tout moment la situation peut échapper. Donc effectivement, cette déclaration tient compte de ce baril de poudre sur lequel repose actuellement cette ambiance ici à Kiev.
Hier on apprenait que le président Viktor Ianoukovitch était malade. Une réalité selon vous ou un prétexte pour gagner du temps et soigner une éventuelle sortie ?
C’est aussi la saison de la grippe, donc je ne pourrais pas me prononcer sur l’état médical du président. Mais il est un fait que gagner du temps est une donnée favorable pour le président actuellement. Donc, je n’espère pas qu’on puisse parler d'une maladie diplomatique, mais en tous les cas, le fait de gagner du temps me paraît être effectivement dans la stratégie actuelle du président.
Alors malade mais toujours bien présent. Hier, il a dit qu’il avait commis des erreurs. Est-ce qu’il peut, est-ce qu’il a les moyens d’aller plus loin dans les concessions qui ont déjà été faites à l’opposition ?
On est dans un rapport de force entre le pouvoir et l’opposition. Il a toujours les moyens d’aller plus loin. Maintenant, est-ce qu’il ira plus loin ? On ne sait pas. En tous les cas, je vous le dis, actuellement la situation est très tendue. Ça peut exploser à tout moment. Je pense qu’on va arriver à un moment donné où il n’aura pas le choix que de faire des concessions ou alors d’aller vers l'explosion.
Est-ce qu’il y a toujours discussion à l’heure actuelle, avec les trois leaders qui représentent l’opposition ?
Il y a toujours des discussions. Tout le monde a envie de sortir de cette crise. Et l’opposition la première a envie de solutionner cette crise. Donc même si actuellement les négociations n’ont pas été favorables, de toutes façons, elles continuent.
Vu de Paris, on a tout de même l’impression que cette opposition apparaît quand même assez divisée. Est-ce qu’il y a un des leaders qui a plus de crédibilité que les autres ?
Il a rencontré les trois principaux leaders personnellement, ayant discuté avec les principaux leaders, je pense que Klitschko, le boxeur, a véritablement une longueur d’avance sur les deux autres.
Que penser également aujourd’hui de l’allié russe ? Est-ce qu’il est toujours derrière Ianoukovitch ou est-ce qu’il pourrait le lâcher ?
On est dans un grand jeu ici. Nous avons donc l’acteur Union européenne, l’acteur Ukraine et l’acteur russe. Je pense, mais c’est une supposition, qu’il serait possible effectivement que la Russie ne supporte pas ou plus Ianoukovitch. C’est comme ça que je ressens les choses. Je pense que la Russie est tout à fait au courant que Ianoukovitch a perdu une partie de son pouvoir. Donc, aller plus loin pour la Russie, ça fait développer une crise en plein cœur de l’Europe et la Russie n’a pas envie d’une crise en plein cœur de l’Europe.