La finance de l’ombre, un produit toxique made in China

La finance de l'ombre se rappelle au bon souvenir de la Chine. L'émetteur d'un produit financier qui faisait miroiter de juteux rendements a annoncé en début de semaine qu'il ne pourrait pas rembourser les créanciers, un arrangement a finalement été trouvé.

Comme par enchantement un conglomérat public chinois a accepté cette semaine de racheter le Credit Equals Gold Number One. Ce produit d'investissement lancé il y a trois ans avait attiré 700 gros épargnants chinois en promettant un rendement annuel de... 10%. L'argent levé devait financer un projet minier, et c'est ICBC, la plus grande banque chinoise, qui en assurait la distribution. Seulement voilà, le groupe minier n'a jamais obtenu de permis et son propriétaire a été arrêté en 2012. Mais la banque comme l'émetteur, Credit China Trust se sont bien gardés d'en avertir leurs clients.

Avec l'arrangement trouvé, les investisseurs qui devaient récupérer leur mise aujourd'hui même, total près de 500 millions de dollars, seront bien remboursés, mais ils doivent oublier le bénéfice escompté puisque les intérêts de l'année 2013 n'ont pas été versés. Un défaut sur un montant aussi important aurait pu provoquer une panique chez les épargnants chinois et au-delà contaminé tout le système financier car le « shadow banking » pèse de plus en plus lourd dans l'économie chinoise. 4 800 milliards de dollars ont été levés par ces établissements non bancaires. 4 800 milliards de dollars cela représente plus de la moitié du produit intérieur brut de la Chine. Le pire a donc été évité grâce à l'intervention discrète des autorités. 

Le risque potentiel de cette finance de l'ombre n'est-il pas exagéré puisque les autorités chinoises sauvent les établissements en péril ?

Tant que le risque d'incendie est circonscrit à un seul produit financier, l'action des autorités est efficace, en revanche le problème prendrait une tout autre dimension si plusieurs fonds venaient à faire défaut au même moment, et c'est bien ce qui pourrait bien se produire en 2014. D'après la banque Nomura, le montant cumulé des produits « pourris » arrivant à échéance cette année est supérieur à un milliard de dollars.

Et avec le ralentissement de l'économie l'éventualité d'un défaut est encore plus grande, car beaucoup de projets industriels ou immobiliers financés par le « shadow banking » seront sans doute enterrés. C'est pourquoi plusieurs analystes estiment que Pékin aurait mieux fait de donner une leçon aux investisseurs imprudents en laissant le Crédit China Trust faire défaut. Ils auraient ainsi compris à leur propre dépens ce que signifie un investissement à risque.

Les épargnants se ruent sur ces produits parce que la rentabilité est élevée ?

Bien sûr, mais aussi faute d'alternatives, car les banques chinoises classiques offrent peu de produits de placement. C'est pourquoi le système a prospéré ces dernières années. Et pour le moment on ne voit pas trop comment les Chinois vont s'y prendre pour assainir leurs finances. D'où les craintes grandissantes d'une contamination aux autres marchés.

Cette semaine les rumeurs de marché sur l'éventuel défaut du Credit China Trust ont été l'un des facteurs aggravant dans la chute des devises des pays émergents. Aujourd'hui certains analystes ne sont pas loin de penser que les montants de créances douteuses accumulées en Chine auront probablement plus d'impact sur l'économie mondiale que la politique menée par la Réserve fédérale. En cette année du cheval, les rênes de la finance mondiale sont désormais détenues par les Chinois.

 

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