Les non-dits de la relation franco-chinoise

En France comme en Chine, on célèbre cette semaine le cinquantenaire des relations diplomatiques entre les deux pays. En 1964, le général de Gaulle est le premier dirigeant occidental à reconnaître le régime de Mao. Un geste historique encore bien vivant dans la mémoire des Chinois, mais qui n'a pas trouvé une traduction durable sur le plan économique.

 

C'est une déception sentimentale pour les Chinois, selon un observateur nostalgique. D'après lui, les successeurs du général de Gaulle ont dilapidé le capital diplomatique. La faute au double langage tenu à Paris où l'on fait sans cesse le grand écart entre attirance et méfiance pour la puissance émergente qu'est la Chine. Difficile de séduire un investisseur ou un client potentiel quand on lui prête des intentions cachées, pillage technologique ou volonté expansionniste, explicite notre interlocuteur. Le comportement erratique des responsables politiques français, l'absence de vision stratégique ferait osciller les Chinois entre le rire et les larmes, selon un autre fin connaisseur de l'empire du Milieu, Laurent Malvezin, directeur Asie de Sécurité sans frontières. Car pour nouer une relation économique forte, les Chinois ont besoin de s'inscrire dans le temps long et non dans le court-termisme qui souffle le froid et le chaud sur les relations bilatérales. En élargissant la focale dans le temps et l'espace, on réalise aussi que la France est petite, vu de Chine, rappelle Jean-François Dufour, directeur de la société de conseil stratégique DCA-Analyse, que le geste historique du général de Gaulle, s'il reste populaire, a été depuis bien longtemps supplanté par la fascination pour l'autre empire, l'empire américain. Car le logiciel de l'appareil chinois n'est plus l'idéologie comme c'était le cas dans les années 1960, mais l'économie. Et dans ce nouveau champ des possibles, la Chine a cherché les partenaires capables et désireux de la soutenir dans son développement.

En Europe, par exemple, c'est avec l'Allemagne plutôt qu'avec la France que la Chine a établi une relation particulière

D'abord par pragmatisme, parce que les Allemands fabriquent les machines-outils dont ils avaient tant besoin dans la première phase de leur développement. Mais aussi parce qu'ils ont trouvé un climat plus ouvert. Les Chinois contrôlent aujourd'hui des pans entiers de l'économie allemande, fait remarquer Jean-François Dufour, ils ont repris notamment des sociétés en difficulté dans le secteur de la construction ou de l'automobile. Les industriels allemands ont aussi misé sur la Chine, au risque de la dépendance, le chimiste BASF dépend largement du marché chinois. Pendant ce temps, Français et Chinois se sont enfermés dans une relation d'Etat à Etat, dévastatrice en cas de conflit, déplore Laurent Malvezin. On l'a vu dans le bras de fer sur l'industrie solaire où les mesures de rétorsion chinoise à l'encontre du vin ont visé surtout... la France, le pays qui a pris position en faveur des sanctions européennes contre les panneaux chinois.

Pour faire fructifier les échanges avec la Chine, faut-il sortir du tête-à-tête d'Etat à Etat ?

En multipliant les échanges au niveau des régions, des villes, des universités, à travers tout ce qui favorise le maillage, crée du lien dans l'économie réelle et non dans la seule relation politique. La métropole lyonnaise a montré l'exemple en favorisant les échanges avec la ville de Canton. Et puis la France a aussi une chance à saisir dans les domaines où elle excelle, l'agro-alimentaire, la gestion des villes, la santé, selon Jean-François Dufour. La Chine a besoin aujourd'hui d'une expertise étrangère pour se doter des villes, de l'infrastructure sanitaire indispensable à son développement, voilà des secteurs qui peuvent aider la France à résorber son déficit commercial avec Pékin.

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