Les moyens humains alloués par les agences sont insuffisants, les analystes seniors pas assez impliqués, les règles de confidentialité non respectées, trop de rumeurs courent sur les marchés avant la publication officielle, et les clients - c'est à dire les États - sont parfois maltraités. Certains sont avertis bien tard d'une dégradation alors qu'un délai règlementaire de 24 heures est prévu pour qu'ils puissent réagir. Le réquisitoire est violent.
Les agences Standard and Poor's, Moody's et Fitch, les trois mages de la notation des États, sont en résumé beaucoup trop partiales et légères selon le régulateur, alors que leur jugement peut avoir des répercussions catastrophiques pour un pays entier, voire pour toute la zone euro.
Hasard du calendrier sans doute, ce rapport s'ajoute aux récentes critiques d'économistes de renom sur la nouvelle dégradation de la France. L'Américain Paul Krugman, prix Nobel d'économie, et le Français Olivier Blanchard, économiste en chef du Fonds Monétaire International, trouvent que la France n'est pas aussi mal en point que ne le laisse entendre l'humiliant AA aggravé d'une perspective négative décerné par Standard and Poor's.
Les agences sont trop sévères avec les États ?
C'est l'avis de ces économistes, du moins dans le cas de la France. Mais une autre étude en cours démontre au contraire qu'elles sont peut-être trop ...clémentes. C'est la thèse défendue par Norbert Gaillard, l'un des meilleurs connaisseurs français du sujet. Il est en train de passer au crible les notes attribuées ces dernières années aux pays européens et il constate que le commentaire est bien plus rude que la note. Deuxièmement, fait-il remarquer « les notes attribuées ces dernières années aux pays européens sont bien plus favorables et conciliantes depuis 2010 que les indicateurs de marché, tels que les CDS (credit default swaps, ndlr)». Comme si les agences craignaient de fâcher leur client !
Critiquées de toute part depuis la crise de 2008, les grandes agences semblent indéboulonnables
Sur le marché de la dette occidentale, elles règnent en maîtres. Beaucoup de projets concurrents ont été élaborés pour offrir une alternative, et bien peu ont abouti, car le créneau de la notation souveraine est étroit. La tentative la plus sérieuse émane de regroupement d'agences. L'une (Universal Credit Ratings) a été lancée à Hong Kong il y a 5 mois, l'autre (ARC Ratings) la semaine dernière à Londres. Les deux cherchent à capter le marché de la dette des pays émergents.
Malgré tous leurs vices, les trois grandes agences restent incontournables, c'est pourquoi le régulateur européen cherche à mieux les encadrer. Un code plus strict doit d'ailleurs entrer en vigueur le mois prochain, notamment sur le calendrier des publications. Pour le faire appliquer, l'autorité européenne dispose d'une arme de dissuasion : les amendes. Ce rapport, c'est donc un peu le coup de semonce avant le tir à balles réelles.
Aux États-Unis, Standard and Poor's, est poursuivi en justice par le gouvernement pour avoir induit les investisseurs en erreur en 2008. L'agence préfère négocier plutôt que de s'exposer à une amende record qui pourrait être fatale à son activité. Pour éviter d'en arriver là en Europe, les agences auront sans doute à coeur de suivre les recommandations de leur autorité de tutelle.