Pour le Canada, c'est un peu le bitume et les plumes. La réputation environnementale de son pétrole lourd, extrait des sables bitumineux dans l'ouest du pays, en Alberta, est de plus en plus mauvaise. Le Canada n'exporte pas encore son bitume vers l'Europe, mais si Bruxelles appliquait son projet de classer ce pétrole parmi les plus polluants, comme l'y invitent les 21 Nobel, ce serait une condamnation mondiale pour le bitume canadien, qui a déjà bien du mal à se vendre sur le continent américain.
Il n'y a toujours pas d'oléoduc vers les États-Unis, Barack Obama tarde à trancher en faveur du pipeline Keystone XL, très controversé pour ses risques écologiques ; le président américain n'est pas pressé : les États-Unis sont de plus en plus autosuffisants en pétrole.
Au Canada même, faute d'accord pour inverser la circulation du pétrole dans l'oléoduc qui rejoint l'est du pays, le bitume des sables n'est pas non plus évacué facilement vers le Québec puis l'Atlantique ; il doit être fortement dilué pour prendre le train, la valse ferroviaire du pétrole accroit les risques d'explosion comme celle de Lac Mégantic.
Enfin le marché asiatique, qui serait moins regardant au niveau écologique, reste inaccessible pour le pétrole lourd de l'Alberta : pour creuser un oléoduc vers l'ouest, jusqu'à la côte pacifique, il n'y qu'un État, la Colombie-Britannique, mais quel État : c'est le berceau de l'ONG environnementale Greenpeace, bien protégé par les montagnes Rocheuses !
Un jugement négatif de l'Europe sur le pétrole de l'Alberta viendrait enterrer tous ces projets. C'est pourquoi le ministre canadien du Pétrole est venu faire du lobbying dans les capitales européennes au printemps dernier. Ottawa peut compter sur le soutien de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas, qui ont pris pied dans les sables bitumineux via la compagnie Shell. La France s'est pour l'instant abstenue, Total a abandonné un de ses deux projets sur place, après 1 milliard et demi de dollars de pertes.