L’Europe de l’énergie en panne

L'Europe a une monnaie commune, un marché commun mais toujours pas de prix identique pour l'électricité ! En clair, la politique énergétique européenne est inefficace. Le sujet est à l’agenda du sommet des 27 qui se tient demain à Bruxelles.

C'est à la faveur de la crise économique que cette faille de plus en plus béante a sauté aux yeux des 27. Les industriels ont été les premiers à s’en plaindre. En France, les plus gourmands en énergie trouvent que l’Allemagne offre de meilleures conditions à leurs concurrents alors que c'est bien en France qu'on produit l'électricité la moins chère du continent. Une différence due au choix de Berlin de privilégier les industriels plutôt que les particuliers. Récemment, l’Indien Lakshmi Mittal a enfoncé le clou. Il a fait la leçon aux Européens en leur demandant de faire baisser les coûts de l’énergie pour protéger les usines sidérurgiques. A titre de comparaison, l'électricité est aujourd'hui deux fois moins chère aux Etats-Unis qu'en Europe, parce que les centrales américaines au gaz ont diminué leur coût grâce à l'abondance du gaz de schiste. En Europe la facture énergétique globale, électricité, hydrocarbures compris, a grimpé d'un tiers entre 2005 et 2012, estime la Commission.

L'exploitation du gaz de schiste changerait la donne ?

Pas forcément. Comme les coûts de production de ce gaz seront élevés en Europe, une extraction importante n'aurait pas beaucoup d'incidence sur les prix. Mais ce qu'il faut surtout retenir de l'expérience des Etats-Unis, c'est la maîtrise de leur approvisionnement. L'Europe importe une grande part du pétrole et du gaz, elle n'a donc pas prise sur le prix de l'énergie. D’ici 2035 elle sera dépendante à 80% des importations pour couvrir ses besoins, prévient le président du Conseil Hermann van Rampuy, voilà qui va plomber un peu plus la compétitivité des entreprises. Une inquiétude partagée par les énergéticiens. A l'initiative du Français GDF Suez, huit d'entre eux, Français, Allemands, Italien et Espagnol lancent un appel solennel aux dirigeants européens pour qu'ils alignent enfin leur position. Ils demandent surtout à l’Europe d’adopter une politique claire pour qu’ils puissent faire des projets à long terme. C’est là où ça se complique, jusqu'à maintenant les Etats ont été incapables de s'entendre.

L'Allemagne en particulier joue sa partition en solo

Berlin a effectivement décidé seul de sortir du nucléaire après la catastrophe de Fukushima et de promouvoir les énergies alternatives sans concertation avec ses partenaires européens. L'objectif européen de 20% d'énergies renouvelables d'ici 2020 sera peut-être atteint par l'Allemagne, mais à quel prix ? Ces énergies alternatives étant totalement subventionnées, impossible de rentabiliser l'indispensable investissement pour construire la centrale conventionnelle qui prendra le relais quand le vent tombe et que le soleil est voilé. Plus aucun énergéticien ne veut s'engager dans une telle aventure. Autre anomalie amplifiée par la décision allemande : la fermeture des centrales nucléaires a entraîné un plus grand recours aux centrales classiques et, comme les Américains inondent le marché européen avec du charbon à prix cassé, le recours à cette ressource est en plein essor en Europe, ce qui fait repartir les émissions de carbone de plus belle, alors que les 27 se sont engagés à décarboner leur économie. Sur tous ces sujets, les Européens sont divisés, chacun privilégiant des options nationales pour composer son bouquet énergétique, une attitude pas vraiment favorable pour définir une politique européenne. C'est pourtant ce que les 27 réunis en sommet vont essayer de faire demain à Bruxelles.  

  

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