Les deux gros plans qu'on projette sur ce secteur sont assez contradictoires : le nombre de film français présenté cette année à Cannes, presque un film sur 2, est exceptionnellement élevé, c’est un signe de bonne santé. Deuxième gros plan sur la baisse des aides publiques, à cause de l'austérité, qui réduit les moyens pour financer les films de demain et d’après-demain.
Sur ces images très contrastées, s'imprime en voix off le cri du cœur lancé il y a plusieurs mois par le producteur Vincent Maraval : les acteurs sont trop bien payés, leurs exigences de divas mettent en péril le cinéma français. La polémique est devenue un feuilleton alimenté par l'exil russe de Gérard Depardieu. Réalisateur, distributeur, acteur, tous font monter le suspense en prédisant une fin tragique à la belle histoire du cinéma français.
Le joli rebond de ces vingt dernières années
Et c’est un plan séquence qui démarre en 1993, en plein épisode de récession. La fréquentation des salles est à son plus bas niveau historique, avec 116 millions de spectateurs, moins d’une centaine de films français sur les écrans. 20 ans plus tard, le nombre de spectateurs est passé à 200 millions et le nombre de film a plus que doublé. La clé de cette insolente réussite, c’est d'abord le système unique en son genre de financement mixte public-privé, avec l’avance sur recette mis en place par André Malraux et géré par le Centre national du Cinéma. S'y s'ajoutent le financement par les chaines de télévision complété par celui des investisseurs privés.
Ce modèle économique est caractéristique de l'exception culturelle française. Ce choix politique pour défendre le cinéma français a donc fait ses preuves industrielles, le cinéma français est l'un des rares au monde qui s'exporte, derrière les cinémas américains et indiens. L'autre clé de la croissance rapide de ces vingt dernières années, c'est l’engagement des distributeurs dans la modernisation et l'augmentation du nombre de salles, pour entretenir le désir de cinéma qui pousse les Français à continuer à aller dans les salles obscures, pratique en perte de vitesse dans les autres pays européens.
Un avenir incertain
Difficile d’imaginer la fin du film. Dans un plan large où on voit apparaitre le robinet à publicité qui fait vivre la télé s'assécher à cause de la crise, c'est un vrai souci conjoncturel. Plus inquiétant, l'apparition des nouvelles lucarnes, celles des tablettes, en gros tout l'internet qui est en train de bouleverser le modèle français. Car si l’Etat impose facilement des obligations aux télévisions nationales, c'est beaucoup plus hasardeux avec les entreprises multinationales de l'internet. Les nouveaux vecteurs de l'image, distributeur de vidéo à la demande ou télé comme You tube qui paient déjà si peu d'impôts en France, seront sans doute peu enclins à soutenir le cinéma français. Le nouveau modèle est donc encore à inventer pour assurer une happy end.