Quand la classe moyenne chinoise se réveillera

En Chine, les nouveaux riches se méfient de plus en plus de leurs propres institutions. Une défiance qui pourrait avoir des conséquences néfastes sur le développement futur du pays.

La vogue du lait maternel d'importation est sans doute le marqueur le plus sensible de cette défiance. En 2008, le scandale du lait contaminé à la mélamine provoque la mort de 6 nourrissons et rend malade des centaines de milliers de bébés. Les familles chinoises qui en ont les moyens se mettent alors à acheter en masse du lait de marque étrangère. Cinq ans plus tard, les classes moyennes continuent à acheter du lait d'importation. A tel point que des pénuries ont été signalées à Hong Kong, en Australie, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Intrigué par une hausse des ventes de 50% en un an, le gouvernement hollandais vient de lancer une enquête sur une filière potentielle d'exportation illégale. Cette méfiance des consommateurs, c'est un vrai problème pour les entreprises chinoises du secteur de l'agro-alimentaire, explique Marie-Françoise Renard, spécialiste de l’économie chinoise. Elles ratent ainsi le formidable marché intérieur à leur disposition. Les 300 millions de nouveaux riches chinois ont profité du boum de l'économie de ces vingt dernières années mais ils ne se sentent pas en sécurité dans la nouvelle Chine portée par la croissance à deux chiffres.  

Ils sont extrêmement préoccupés par la dégradation de l'environnement

En 2009, la priorité de cette bourgeoisie en formation était encore de s'enrichir ; la priorité déclarée est désormais de préserver la qualité de vie, l'éducation et la santé. Ces bons pères ou mères de famille pensent aussi à la transmission de leur patrimoine et bien souvent ils estiment que le cadre juridique domestique, les outils financiers à leur disposition, ne leur apportent pas la sécurité suffisante, c'est pourquoi un tiers des plus riches investissent à l'étranger, quand ils ne décident pas carrément de s'expatrier ou d'envoyer leurs enfants hors de Chine.

Cette fuite des capitaux des personnes souvent éduquées fragilise le développement du pays

Après avoir encouragé à outrance l'économie d'exportation, le gouvernement cherche maintenant à réorienter l'activité vers la demande intérieure, ce qui passe par l'essor de la consommation des classes moyennes. Aux Etats-Unis, l'industrie de l'automobile a prospéré parce qu'il y avait une population assez aisée pour s'offrir une voiture, et surtout confiante en l'avenir et dans les institutions du pays. Pour dissiper ce sentiment d'insécurité et donc réussir leur virage vers la demande intérieure qui fournira la croissance de demain, les autorités chinoises doivent poursuivre les réformes, améliorer le système bancaire, lutter contre la corruption, et elles en ont bien conscience, estime Marie-Françoise Renard. Car sans croissance, la stabilité sociale volera en éclats. Impensable pour la survie du système politique chinois.
 

 

 

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