Ressusciter l'OMC, le défi de son nouveau directeur Roberto Azevedo

C'est finalement un Brésilien qui va diriger l'Organisation mondiale du commerce. Roberto Azevedo succède au Français Pascal Lamy, à la tête d'un organe en quête d'avenir.

L'unique candidat du monde occidental, le Néo-zélandais Tim Groser avait lancé un avertissement pendant sa campagne : l'OMC court le risque de devenir inutile. Cet ultra réalisme ne lui a pas porté chance, car c'est un peu son anti-thèse qui a finalement été choisi.

Le Brésilien Roberto Azevedo s'est montré optimiste en axant tout son discours sur sa volonté et sa capacité à débloquer la négociation de Doha. Il y a pourtant peu de raisons de croire à la réouverture de ce chantier commencé en 2001 pour donner aux pays du Sud un meilleur accès aux marchés des pays du Nord. Il est aujourd'hui en état de mort cérébrale, faute de concessions des Etats-membres.

Mais aussi parce que le paysage du commerce mondial s'est transformé ces dix dernières années sans attendre les nouvelles règles de l'OMC.

Aujourd'hui ce sont les pays émergents qui tirent le commerce international

Quelques chiffres pour l'illustrer : les exportations, comme les importations des émergents ont cru de 5-6 % en 2012 tandis que celles des pays riches ne progressaient que de 2 %, en 2013, ce fossé perdure.

Bien sûr, en volume, sans la Chine, les pays émergents n'enregistreraient pas des résultats aussi remarquables. Bien sûr, les pays les plus pauvres sont toujours surtout des importateurs et peinent à faire leur place dans le commerce mondial. Mais la nouvelle donne est pourtant bien réelle, la montée en puissance des émergents a été d'ailleurs un facteur de blocage, les pays du Nord ayant du mal à imposer leurs vues à des pays du Sud de plus en plus sûrs d'eux.

C'est un désaccord entre l'Inde et les Etats-Unis qui bloque aujourd'hui les discussions. La crise de 2008 a fait le reste. L'OMC s'est éclipsée au profit du FMI, le pompier de la planète en crise. L'autre phénomène qui remet en cause l'existence même de l'OMC, et qui est en partie une conséquence de sa paralysie, c'est la multiplication des accords bilatéraux signés entre grands pays ou grandes régions du monde, des accords plus faciles à trouver car le nombre de signataires est moindre. L'OMC souffre aussi de son succès et de ses règles, difficile de trouver un consensus à 159.

Quelles sont les cartes dont disposent Roberto Azevedo pour ressusciter l'OMC ?

Il dispose sans doute d'abord de sa fine connaissance de l'organisation, il y travaille depuis 1997. Le deuxièmement avantage est sa nationalité, en tant que Brésilien il aura sans doute une plus grande force de conviction pour faire bouger les BRICS. C'est ce que Nicole Bricq, la ministre française du Commerce extérieure attend de lui. Dans le communiqué saluant sa nomination, la ministre demande à l'OMC de mettre les nouvelles puissances commerciales face à leurs nouvelles responsabilités.

La prochaine réunion prévue en décembre à Bali, en Indonésie aura valeur de test. Faute de résultat tangible, l'OMC n'aura plus que pour seul destin de faire écho aux accords bilatéraux en essayant de les transposer au niveau international. Il lui restera bien sûr à assurer son rôle d'arbitre dans les grands litiges commerciaux entre Etats.

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