En valeur, la montagne de dette accumulée de part et d'autre de l'Atlantique est parfois du même ordre, d'où la tentation de regarder ce qui se passe aux Etats-Unis pour comprendre un peu mieux les problèmes des Européens. Vingt et une villes américaines sont aujourd'hui en défaut de paiement. Dans l'Etat du Michigan, quatre villes ont été placées sous tutelle, dont Detroit, la cité déchue de l'automobile ; sa dette est comparable en grandeur à celle de Chypre, puisqu'elle s'approche des 15 milliards de dollars. Pourtant sa mise sous tutelle et l'éventuelle mise sous protection de la loi des faillites, qui pourrait survenir dans les prochains mois, ne fontit pas broncher les marchés. En partie parce que le poids relatif de la dette municipale américaine est faible. Elle ne représente que 20% du PIB des Etats-Unis, un niveau d'endettement tout à fait supportable.
Autre différence de taille : la dette municipale américaine est un marché à 100% détenu par des créanciers américains, explique Alexandra Estiot, analyste spécialiste des Etats-Unis à BNP Paribas. Souvent des ménages, attirés par ce placement parce qu'il offre un avantage fiscal au niveau fédéral. Il ne peut donc pas y avoir d'attaques des marchés, mais seulement des arrangements, au besoin par voie de justice, avec les créanciers quand les villes sont dans l'incapacité de rembourser. Autre particularité américaine inscrite dans la loi : les villes en déficit doivent automatiquement l'année suivante couper dans les dépenses pour revenir à l'équilibre. Quand elles empruntent pour réaliser des investissements, le prêt est gagé sur des recettes prédéterminées. Le système est donc bien rodé avec des garde-fous clairement établis.
Des villes ultra sensibles à la conjoncture
Si un nombre croissant de villes se retrouvent pourtant aujourd'hui en défaut de paiement, c'est parce qu'elles sont très dépendantes de l'état général de l'économie. Leurs recettes sont fortes en période de croissance, mais quand l'activité stagne ou recule, les recettes plongent, elles continuent pourtant à assumer les mêmes dépenses. C'est ce qui est arrivé à Stockton, qui préfère continuer à verser les pensions des retraités municipaux plutôt que de rembourser ces dettes. D'où sa demande de placement sous la protection de la loi sur les faillites. Mais maintenant la ville devra faire des sacrifices pour équilibrer ses comptes, c'est le lot commun à toutes les villes en difficulté. Les collectivités d'ailleurs ne restent pas embourbées longtemps dans la crise, elles réussissent parfois à redresser rapidement leurs finances. C'est le cas par exemple de la Californie qui avait une dette colossale, aujourd'hui totalement sous contrôle, fait remarquer Alexandra Estiot. Sans que l'Etat fédéral n'ait à intervenir. Car il n'est pas garant des dettes des villes, mais en revanche la Réserve fédérale, la banque centrale américaine, assume le rôle de payeur en dernier ressort. C'est la colonne vertébrale dont aurait bien besoin l'Union Européenne, estime Nicolas Veron, chercheur associé du Bruegel Institut.
Le rôle de l’Etat fédéral
Deuxièmement, l'Etat joue tout de même un rôle déterminant dans le redressement des collectivités en difficulté via les transferts de revenus. Notamment à travers le paiement des fonctionnaires fédéraux mais aussi à travers toutes les aides consenties soit aux individus soit aux entreprises. Dans les années 1970, l'Etat a subventionné le sud en difficulté ; en nationalisant General Motors après la crise de 2008 Washington a ensuite contribué à redresser la région des grands lacs, constate Alexandra Estiot. Une union budgétaire, voilà ce qui manque cruellement à la zone euro pour soutenir ses maillons faibles.