Chypre a besoin, pour renflouer ses caisses, et surtout celles de ses banques, de 17 milliards d'euros. C'est énorme, l'équivalent de son Produit intérieur brut, mais finalement ce n'est rien par rapport aux 600 milliards d'euros que l'île pourrait tirer de son gaz. Il y a un peu plus d'un an, la compagnie pétrolière américaine Noble découvre dans les eaux chypriotes un grand gisement gazier, elle le baptise Aphrodite. Mais jusqu'à présent, les bailleurs de fonds ont considéré comme trop risqué de prendre en compte cette richesse potentielle pour garantir un prêt à Chypre.
D'abord les réserves réelles ne sont pas connues. On ne saura qu'à l'automne, après de nouveaux forages en eau très profonde si le gisement Aphrodite est viable commercialement. Il y a aussi des risques politiques : la Turquie est opposée à l'exploitation du gaz par Chypre dans des eaux qu'elle estime être en partie les siennes. Enfin, dix ans pourraient s'écouler avant que Chypre puisse exporter son gaz, il faudra construire une usine de liquéfaction, à défaut de gazoducs possibles vers la Turquie.
Pourtant, on sent depuis peu une inflexion nette des propos des grands argentiers. Hier, le directeur général du Mécanisme européen de stabilité (MES) a estimé que l'on pouvait prendre en compte la future production de gaz de Chypre pour négocier son plan de sauvetage. La souplesse est désormais de mise, il faut agir vite, on craint la contagion de la crise chypriote à la zone euro, à peine stabilisée financièrement. Et puis les compagnies française Total et italienne Eni se sont vu attribuer de nouveaux blocs en début d'année dans les eaux chypriotes, ce qui contribue à consolider les projets gaziers, face à l'animosité turque.
Le nouveau président chypriote devra achever de convaincre la troïka (Union européenne, Banque centrale européenne et FMI). Mais la persuasion est fille d'Aphrodite, alors tous les espoirs sont permis.