On n’a jamais autant puni pénalement en France, jamais autant emprisonné, jamais autant fiché les justiciables, jamais autant légiféré sur la justice et la peine ni jamais autant contourné, réduit, défié le juge, que ces dernières années. Ce bilan n’est pas celui, en propre, du juge Lameyre. C’est celui que tout un chacun peut tirer des études et statistiques officielles.
La tendance est nette et observable depuis une vingtaine d’années, depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal (1er mars 1994). En d’autres termes, la prise de pouvoir du glaive judiciaire, au détriment de la balance, n’est pas seulement un trait caractéristique du sarkozysme.
Au ministère de l’Intérieur en 2002, puis à la présidence de la République de 2007 à 2012, le leader de la droite UMP n’a fait, selon Xavier Lameyre, que pousser à l’extrême une logique et une frénésie répressives. Celles-là mêmes de l’idéologie sécuritaire et du populisme aujourd’hui à l’œuvre en France et dans de nombreux pays d’Europe.
Le danger ? Ni plus ni moins que la remise en cause de l’Etat de droit républicain, dont l’autorité judiciaire est l’un des piliers. Et plus fondamentalement encore : l’humanité des rapports entre les hommes d’une même société.
Privée de sa balance par les peines planchers, la répression systématisée des jeunes mineurs, la dépersonnalisation de la peine, l’évitement du procès et du débat contradictoire, la justice, prévient Xavier Lameyre, se déshumanise. Et au mépris de ce qu’enseignent toutes les études psychologiques, sociales, sur la prison, la récidive, pédagogie de la peine, la « démocratie d’opinion », le « sécuritarisme » font le lit, selon Xavier Lameyre, d’un néolibéralisme et d’un populisme d’extrême droite, destructeurs de l’Etat de droit républicain.