La pression monte autour du secrétariat de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui représente les grands pays consommateurs de pétrole. Quatre Etats membres et pas des moindres, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon et la France, tentent de convaincre l'organisation de commander une libération concertée de leurs stocks stratégiques. Ces stocks, comme leur nom l'indique, sont réservés à des situations d'urgence. Ils n'ont été mobilisés que trois fois en près de 40 ans : pendant la guerre du Golfe, après le cyclone Katrina, et pendant le conflit libyen, l'année dernière.
Destinées à alimenter le marché physique lorsque l'offre réelle de brut est dangereusement amoindrie, ces stocks ne sont pas là, rappelle l'AIE, pour faire baisser les cours du pétrole quand il n'y a pas de risque de pénurie. Le marché est suffisamment approvisionné, confirme Francis Perrin, président de Stratégie et politiques énergétiques. S'il y a eu baisse de production en Iran, au Soudan et en Syrie, elle a été largement compensée par un regain de l'offre libyenne, irakienne, angolaise et bien sûr de l'offre saoudienne, au plus haut depuis 30 ans.
Mais les marchés pétroliers, les investisseurs n'entendent que les menaces géopolitiques liées au bras de fer des Occidentaux avec l'Iran ; ne voient que la réduction progressive des capacités excédentaires de l'Arabie Saoudite. Cette spéculation haussière maintient les prix du baril autour de 125 dollars, avec les conséquences que l'on sait sur les prix à la pompe et le mécontentement de l'opinion. En période pré-électorale aux Etats-Unis et en France, la tentation est forte pour les gouvernements sortants de calmer les prix - même si ce doit être de façon très provisoire, comme ce fut le cas il y a moins d'un an, en libérant une partie des stocks stratégiques, c'est-à-dire en les vendant sur le marché pétrolier.
Si l'AIE cède à la pression des Etats, elle pourrait justifier la libération des stocks par les craintes de récession que des prix aussi élevés du pétrole font peser. D’autres analystes, comme Pierre Terzian (Pétrostratégie) et Olivier Jakob (Petromatrix), estiment qu’une initiative des gouvernements américain, britannique et français, sans l'aval de l'AIE, n'est pas à exclure.