Au cours de l'année écoulée et jusqu'à la récente correction, il y a quelques jours, les prix des matières premières ont effectivement atteint des niveaux historiques, au-delà des records de 2008. Ce fut le cas pour le cuivre, le maïs, l'or et l'argent, le café, le sucre, l'huile de palme, le caoutchouc et bien sûr le coton. La faim du dragon chinois est toujours plus dévorante : après les métaux et les oléagineux, la Chine a débarqué avec fracas sur le marché des céréales en 2010, alors qu'elle était autosuffisante jusque là. Les aléas météo ont aussi bouleversé de nombreux marchés, réduisant dangereusement les stocks. Mis à part le riz - exception remarquable de stabilité des prix du fait de bonnes productions - la situation céréalière est à nouveau sur le fil du rasoir au moment où paraît le rapport.
La « malédiction des matières premières » est donc toujours d'actualité, selon Philippe Chalmin, même si leur inflation a sans doute déclenché « le printemps des peuples » dans les pays arabes, ce sont les deux éléments du sous-titre de l'édition 2011. En 25 ans d'existence, ce rapport a pu observer l'interdépendance croissante des marchés entre eux, comme celui de la viande ou celui des grains. Il a aussi permis de mettre en évidence le poids prépondérant qu'ont pris les pays émergents dans la balance, et de façon plus générale, « la mutation des marchés de matières premières du stable à l'instable » : de l'éclatement des accords internationaux sur l'étain ou le café à la fin des systèmes de prix agricoles administrés en Europe. Cette dérégulation est sans doute allée trop loin, reconnaît le créateur du Cyclope. Il juge dangereuse l'emprise actuelle des investisseurs financiers sur certains stocks physiques de métaux et il se met à rêver d'un fonds de financement des politiques agricoles pour les pays les plus pauvres, sur le modèle de l'Europe agricole des années 1950 !