La baisse des taux décidée par la Banque d'Angleterre est parfaitement compréhensible au vu des résultats de l'enquête mensuelle publiée par Markit. L'institut d'études économiques constate un net ralentissement de l'activité depuis le Brexit. Tous les indicatifs sont passés au rouge depuis le 23 juin, et les entreprises s'attendent à une baisse des commandes.
La dégringolade touche l'industrie, la construction et les services. La consommation des ménages, pourtant l'un des moteurs de la croissance britannique, est frappée elle aussi. Selon les spécialistes, cette situation pourrait se traduire par une récession, et ce dès 2016. Markit s'attend d'ailleurs à une contraction de l'économie de 0,4 % au troisième trimestre.
Réindustrialisation
Cette perspective de récession a pourtant été écartée par la Banque centrale britannique, qui prévoit seulement « une croissance nettement plus faible à court et moyen terme ». La Banque d'Angleterre a, en outre, décidé d'injecter davantage de liquidités dans l'économie, en augmentant de 71 milliards d'euros son programme de rachats d'obligations d'Etat, et en achetant jusqu'à 12 milliards d'euros d'obligations d'entreprises. Si nécessaire, ces rachats pourraient encore être augmentés, assure le gouverneur de la Banque centrale, Mark Carney.
Cet arsenal de mesures vise à rassurer les marchés et les investisseurs, très inquiets depuis la décision des Britanniques de quitter l'Union européenne. Mais la politique monétaire seule ne suffira peut-être pas. Il faudra aussi s'attaquer aux problèmes structurels de l'économie pour passer le cap du Brexit. La nouvelle Première ministre britannique vient ainsi d'annoncer un vaste plan de relance industrielle.
Car de nombreuses régions en Grande-Bretagne sont frappées de plein fouet par la désindustrialisation. L'erreur fatale des gouvernements successifs, à commencer par celui de Margaret Thatcher dans les années 1980, a été de laisser le secteur industriel s'effondrer. L'objectif de Theresa May consiste à porter secours aux entreprises mises à mal par la mondialisation, sans pour autant menacer la compétitivité britannique. Vaste programme, quand on sait que la Grande-Bretagne a perdu la moitié de ses emplois industriels, passés de 5 millions en 1990 à 2,5 millions aujourd’hui.
Fracture régionale
La baisse de la part de l’industrie dans le revenu national britannique ne date pas d'aujourd'hui. La Grande-Bretagne n'est pas le seul pays à vivre ce déclin. La France, l'Italie ou encore l'Allemagne l'ont vécu aussi. Pour compenser la perte de certaines industries, les Britanniques sont devenus les spécialistes des services, de la finance, des banques d'affaires ou de l’assurance. Le secteur financier pesait 7,4 % dans le PIB britannique, en 2014.
Mais la désindustrialisation a entraîné aussi de grandes inégalités entre les régions. Le Sud-Est britannique est clairement privilégié par rapport au reste du pays. Les entreprises nationales ainsi que les classes les plus aisées de la population s'y installent. Et les principaux aéroports nationaux s'y trouvent.
Le Brexit a mis au jour ces inégalités entre les régions. Londres, ville cosmopolite et centre financier du pays, ainsi que les villes universitaires, avec leur population jeune, ont majoritairement voté pour le maintien du pays dans l'Union européenne, tout comme les Ecossais et les Irlandais du Nord. En revanche, la campagne anglaise s'est largement prononcée contre. Celle-ci inclut les ceintures vertes qui encerclent les grandes villes, où vivent les populations qui se sentent le plus menacées par l'immigration.
L'est du pays, plus rural et avec une population plus âgée, a aussi choisi le Brexit. Et le Pays de Galles a eu du mal à trancher. Les mesures destinées à faire repartir l'économie britannique devront aussi prendre en compte cette profonde fracture qui s'est opérée, et dont les conséquences sont difficilement chiffrables, mais tout aussi importantes.