La crise que traverse la centrale syndicale est multifactorielle. Crise identitaire, crise de confiance, l'affaire Thierry Lepaon, ex-secrétaire général contraint à la démission, a laissé des traces, mais aussi crise générale du syndicalisme en France. Le plus vieux syndicat français qui pouvait se targuer de réunir le plus grand nombre d'adhérents ressemble à un colosse aux pieds d'argile.
Il est loin le temps où la centrale comptabilisait plus de 3 millions d'adhérents, c'était en 1953. En 2014, ils étaient à peine 680 000. Il semble qu'aujourd'hui, les méthodes sans concession de la CGT ne fassent plus recette... Alors que d'autres organisations ont choisi la voie de la réforme et du dialogue, comme la CFDT, la CGT, elle, reste campée sur ses dogmes. Très souvent elle est la première à descendre dans la rue, pour contester, dénoncer et revendiquer.
Le syndicalisme doit se réinventer
Aujourd'hui son secrétaire général, Philippe Martinez s'interroge sur l'efficacité des actions menées par son syndicat. Une question qui sera débattue lors du congrès à Marseille, car il est urgent de stopper l'hémorragie. Certes, aux dernières élections professionnelles nationales, la CGT a conservé sa place de leader, mais il s'en est fallu de peu, et c'était il y a trois ans. Qu'en sera-t-il aux prochaines élections ? Plus préoccupant encore, le recul dans ses bastions traditionnels tels que la fonction publique où la SNCF. Avec une désaffection récurrente chaque année, Philippe Martinez ne cache plus sa crainte de voir sa rivale, la CFDT, lui damer le pion.
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Comment la plus vieille organisation syndicale qui a vu le jour en 1895 en est arrivée là ? Depuis le départ, en 2013, de son leader charismatique, Bernard Thibault, la CGT périclite. Le scandale amené par son successeur, Thierry Lepaon y a largement contribué. Les adhérents n'ont pas accepté les dépenses faramineuses pour la restauration de son appartement.
Thierry Lepaon dont on n'a pas fini d'entendre parler, puisqu'à la veille du congrès une nouvelle affaire surgit : celle de son éventuelle nomination à l'Agence de la langue française. Un recasage qui risque de mal passer auprès des adhérents et d'abimer une nouvelle fois l'éthique de l'organisation qui œuvre contre la lutte des classes. Enfin, l'éviction de l'ex-secrétaire général et la nomination dans l'urgence de Philippe Martinez, sans être passé par la case élection le prive d'une certaine légitimité dont il aurait bien besoin pour imposer une ligne.
Où va la CGT ?
Mais la crise n'est pas qu'interne, ses cadres ne sont pas les seuls aujourd'hui à douter, les autres centrales se demandent également où va la CGT. Et les alliances de jadis avec FO sont de plus en plus rares. La CGT est de plus en plus isolée. Ce 51e congrès tombe à point. Il devrait reconduire Philippe Martinez à la tête de l'organisation ce qui lui donnerait les coudées franches pour trancher entre opposition et compromis.
De façon plus générale, le syndicalisme est en perte de vitesse. Le monde bouge et les salariés semblent l'avoir compris avant les syndicats. La riposte s'organise de plus en plus en dehors des organisations, les réseaux sociaux par la voie des mouvements citoyens ont pris le pas, on le voit avec la « Nuit debout » contre la loi El Khomri. Face à cette défiance, l'enjeu de la modernisation est important. Selon la dernière enquête réalisée par le CEVIPOF, la cote de popularité des syndicats est juste un peu plus élevée que celle des banques... C'est peu dire.