On se souvient du tragique accident du Rana Plaza, en avril 2013, au Bangladesh à Dacca, où l'effondrement d'une usine textile avait causé la mort de plus de 1 000 personnes. Ce drame avait alors suscité un profond émoi et soulevé la responsabilité des grandes firmes internationales qui sous-traitent leurs confections dans les pays à bas coût. Une députée écologiste française s'était alors emparée du sujet, mais sa proposition de loi a été retoquée en commission et le texte a été réécrit par le groupe socialiste et porté par le député socialiste Bruno Le Roux, qui le défend désormais.
Un devoir de vigilance
Dans ce projet de loi, les entreprises françaises de plus de 5 000 salariés seraient responsables de leurs lointaines filiales, ou sous-traitants, à l'étranger. Selon les rapporteurs du texte, trop de groupes ne sont pas assez regardants sur les pratiques de certaines de leurs filiales. Ce manque de vigilance a déjà conduit à des désastres humains et écologiques. L'objectif principal de ce texte est d'instaurer une véritable obligation de vigilance des sociétés et des entreprises donneuses d'ordre à l'égard de leurs filiales, de leurs sous- traitants et de leurs fournisseurs. Si ces derniers ne respectent pas les droits fondamentaux, la responsabilité des maisons-mères françaises serait alors engagée.
Inquiétudes des entreprises françaises
Les sociétés concernées devront établir un plan de vigilance avec une cartographie des risques en fonction des pays concernés. Ce nouvel outil serait en quelque sorte une échelle de graduation des risques à partir de laquelle on pourrait mettre en place des mesures de prévention pour éviter les accidents corporels, environnementaux, empêcher les atteintes aux droits humains mais aussi la corruption. Si l'objectif est noble, puisqu'il entend protéger les salariés d'une économie mondialisée sauvage, il n'en demeure pas moins ambitieux, vaste et difficilement réalisable.
Ce projet de loi inquiète les patrons des grands groupes français. Il faut souligner que cette proposition de loi est inédite. Le texte va bien au-delà du droit du travail ; il englobe de nombreux volets tels que les atteintes aux droits de l'homme ou au droit de l'environnement. Un champ très large qui multiplie les risques pour les entreprises. Les dirigeants craignent que cette loi française soit un handicap de plus à la compétitivité de leurs entreprises. Ils dénoncent également des obligations mal définies.
En cas de manquement, les entreprises seront sanctionnées. Si un défaut de vigilance est avéré, même sans sinistre, un juge civil ou commercial pourra être saisi. L'entreprise pourra se voir condamnée soit au dédommagement du préjudice soit à une amende allant jusqu'à 10 millions d'euros, et non déductible d'impôt, accompagnée d'une publication de la sanction. Comme son nom l'indique, le projet de loi porte sur la responsabilité civile des sociétés mères, pas conséquent elles ne pourront pas être condamnées au pénal, ce que regrettent de nombreuses ONG.