Limiter le risque de perte pour les banques, fluidifier l’usage des deux monnaies et stimuler les bourses de Tokyo et de Shanghai, cela fait longtemps que la Chine et le Japon réfléchissent à cet accord. Une décision qui entre dans le cadre, cette année, du quarantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays et de toute une série d’accords bilatéraux signés en début d’année par les deux pays.
Ce traité s’inscrit aussi dans le schéma plus global de la future zone de libre-échange Chine-Corée-Japon, validée au début du mois. Il s’agit aussi et surtout d’un premier pas, encore timide mais d’un pas quand même, vers l’internationalisation de la monnaie chinoise voulue par le régime. Depuis 15 ans, Pékin parle en effet de se passer du billet vert. En mars, un accord a été signé par les Brics, dont fait partie la Chine, lors de leur dernier sommet à New Delhi, qui autorise les pays Brics à faire des échanges en monnaie locale. Mais le partenariat avec le Japon est une première.
Internationalisation du Yuan
« C’est un pas important vers l’internationalisation du yuan, estime ainsi Yao Wei, analyste en Chine pour la Société générale, à Hong Kong. Cet accord ouvre les portes à une conversion future de la monnaie chinoise directement dans d’autres monnaies et cela en plus de ce traité yen-yuan, poursuit Yao Wei. Il y aura donc d’autres monnaies qui entreront dans cet accord à l’avenir ».
La longue marche vers la convertibilité du yuan a déjà commencé via Hong Kong. La région administrative spéciale sert en effet de marché extraterritorial où s’échangent déjà des mallettes de yuan contre des dollars.
Les dépôts explosent à Hong Kong, souligne le journalLa Tribune. A la fin juin, les dépôts en monnaie chinoise s’élevaient à 554 milliards de yuans (60,35 milliards d’euros), soit six fois plus qu’un an auparavant.
Autre étape importante : le projet de plateforme offshore destiné au négoce du yuan, cette fois en Europe, à la City de Londres. L’accord a été signé le 16 janvier dernier par le ministre britannique des Finances et le patron de l’Autorité monétaire de Hong Kong (HKMA) sans pour l’instant donner de délais à sa mise en place.
« La longue marche vers l’internationalisation du yuan est donc en route mais le chemin sera encore long, affirme Xia Yeliang, professeur d’économie à l’université de Pékin. Malgré nos efforts, le yuan n’est pas encore une monnaie de réserve, explique Xia Yeliang. Si nous pouvons échanger directement sans passer par le dollar avec des blocs économiques importants, cela facilitera évidemment les questions de liquidités et de dettes. Mais il a fallu beaucoup d’efforts pour arriver à ce niveau de confiance et ces efforts sont régulièrement interrompus par nos des problèmes politiques ».
Les querelles historiques entre la deuxième et la troisième puissance économique mondiale sont loin d’avoir été résolues. « Nous nous disputons encore fréquemment au sujet des frontières maritimes et notamment de l’île Diaoyu/Senkaku, ajoute le professeur, mais comme nos deux économies sont très interdépendantes, les obstacles de court terme devraient progressivement être levés ».
Redynamiser la bourse de Shanghai
La Chine reste en effet pour la troisième année consécutive le plus grand partenaire commercial de l’Archipel. Selon l’agence Chine nouvelle, le volume des échanges sino-japonais a atteint un record historique de 300 milliards de dollars en 2011, sachant que jusqu’à présent 60 % des transactions s’effectuaient via le billet vert. « En évitant de passer par une tierce monnaie, nous allons rendre plus aisé l'usage des deux monnaies (…) et stimuler le marché de Tokyo », s’est réjoui Jun Azumi, le ministre japonais des Finances lors d'une conférence de presse ce mardi.
Evidemment, on dit la même chose à Pékin, mais pour le marché Shanghai. L’internationalisation du yuan attendait un coup de pied politique des responsables chinois. Il est venu en partie lors des deux sessions annuelles de l’Assemblée nationale populaire à Pékin en mars. Le Premier ministre chinois Wen Jiabao avait laissé entendre à cette occasion que la Chine allait autoriser le yuan à flotter plus librement.
Pour cela, il faut notamment redynamiser la place boursière de Shanghai. Comme tout est inscrit dans les plans en Chine, un plan a été prévu à cet effet par la Commission nationale pour le développement et la réforme. Le tout pour « faire de Shanghai le centre mondial du yuan avant 2015 », disait en février dernier Le Quotidien du Peuple. Même si, là aussi, la route est longue. En raison de la non-convertibilité du yuan et de problèmes structurels liés à l’économie chinoise, les investisseurs continuent de se méfier du Shanghai stock exchange.
L'accord yen-yuan pourrait donc contribuer à cet effort, et plus généralement au plan de relance de l’économie chinoise basé encore essentiellement sur les grands chantiers d’infrastructures, et donc sur les grandes compagnies d’Etat. A plus long terme, la Chine aura besoin des entreprises privées pour tirer la croissance, et donc d’une place financière de taille internationale.