Argentine: l’expropriation d’YPF, la dernière d’une longue série de nationalisations

L’annonce de l’expropriation partielle d’YPF, filiale du groupe pétrolier Repsol, a suscité la stupeur sur les marchés et la colère du gouvernement espagnol. Pour le chef de la diplomatie espagnole, José Manuel Garcia, la décision de l’Argentine « rompt le climat d’amitié » entre Madrid et Buenos Aires. Mais pour Cristina Kirchner, la présidente de l’Argentine, cette mesure n’est que la suite logique de dix années de « renationalisation » de pans entiers de l’économie du pays.

Crise diplomatique ouverte avec l’Espagne, défiance des investisseurs étrangers, stupeur sur les marchés financiers : les conséquences de l’annonce, lundi 16 avril 2012, de l’expropriation partielle d’YPF n’ont pas fini de se faire sentir pour l’Argentine et pour sa présidente, Cristina Kirchner. « Je suis un chef d’Etat, non une marchande de légumes », a-t-elle cependant justifié, écartant d’un revers de la main les risques que pourrait faire courir à l’économie de son pays la décision d’exproprier l’un des groupes pétroliers les plus importants de la planète. Car la « renationalisation » d’YPF de ses raffineries et de son réseau de stations-service n’est que la suite logique, aux yeux de la présidente argentine, d’une politique entamée il y a un peu moins de dix ans par son prédécesseur et époux Nestor Kirchner (décédé en 2010).

Lorsque ce dernier arrive au pouvoir en 2003, l’Argentine sort d’une crise économique et financière qui l’a mise à genoux. En accord avec son ministre des Finances, Roberto Lavagna, le nouveau président argentin décide alors de tourner le dos au Fonds monétaire international, de relancer les dépenses publiques… et de revenir sur le vaste programme de privatisations qui avait marqué la présidence de Carlos Menem dans les années 1990. « Le gouvernement Kirchner est arrivé avec un discours très offensif sur les années Menem », explique Marie-France Prévôt-Schapira, professeur à l’université Paris VIII et directrice de la rédaction de la revue Problèmes d’Amérique latine. « L’une de ses priorités a donc été de refaire passer dans le giron de l’Etat les services et les entreprises qui avaient été privatisés durant la décennie précédente ».
  
Expropriations à la chaîne

En 2003, ce sont les services postaux qui vont ainsi repasser sous le contrôle de l’Etat. L’année suivante, le gouvernement Kirchner retire au Français Thales la gestion de l’espace radioélectrique (l’Argentine aura été le seul pays au monde à avoir confié à des intérêts privés le contrôle de son spectre radioélectrique, indispensable pour la télévision, la radio et la téléphonie mobile). En 2006, c’est un autre groupe français, Suez, qui fait les frais de cette politique de « renationalisation », en perdant la distribution de l’eau potable. Avec l’arrivée au pouvoir de l’épouse de Nestor Kirchner, en 2008, les expropriations vont se poursuivre. Cristina Kirchner commence par « étatiser» les retraites, transférant à l’Etat les milliards de dollars gérés depuis 1994 par des fonds privés. Puis elle exproprie le groupe espagnol Marsans, propriétaire des compagnies aériennes Aerolinas Argentinas et Austral. Il s’agit là de la dernière grande « récupération » d’entreprise en date, avant celle d’YPF en 2012.

Pour Cristina Kirchner, l’annonce officielle de l’expropriation de Repsol s’inscrit donc dans la continuité d’une politique qui remonte au début des années 2000. Pour autant, le choix du secteur énergétique n’est pas anodin : après plusieurs années de très forte croissance, l’économie argentine commence à montrer des signes d’essoufflement. Or, en 2011, la flambée de la facture pétrolière (plus 110%) avait pesé très lourdement sur l’économie du pays. Et la présidente Kirchner s’était emportée à plusieurs reprises contre les majors pétrolières, coupables à ses yeux de ne pas augmenter suffisamment leur production sur le territoire argentin. 
 

 

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