Banque mondiale : une ambition mais peu d’espoir pour les pays émergents

Les auditions des trois candidats, la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, le Colombien José Ocampo et l’Américain Jim Yong Kim, à la succession du patron de la Banque mondiale Robert Zoellick, commencent ce lundi 9 avril 2012 à Washington. Les pays émergents souhaitent voire élire un de leurs représentants, mais sans grand espoir.

La ministre des Finances du Nigeria Ngozi Okonjo-Iweala a été la première à s’exprimer, ce lundi 9 avril 2012, devant le conseil d'administration de la Banque mondiale (BM). Le mardi 10 avril, ce sera le tour du Colombien José Antonio Ocampo, professeur à l’université Columbia à New York et mercredi 11 avril, de l’Américain d’origine coréenne Jim Yong Kim qui dirige la prestigieuse université de Darmouth.

La tradition veut que, depuis la création il y a 60 ans des deux institutions financières internationales, le Fonds monétaire international soit présidé par un Européen et la Banque mondiale par un Américain. Cette année, les règles du jeu ont changé puisque le prochain patron de la Banque mondiale doit être auditionné et choisi sur des critères de compétence. Parmi les trois candidats en lice, c’est la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala qui semble la plus qualifiée. Et pour cause, cette économiste, formée à Harvard, s’est fait connaître pour avoir mené à bien la renégociation de la dette du Nigeria, ramenée de 35 milliards à 5 milliards de dollars. Ce qui lui a valu d’être élue ministre africaine des Finances de l’année par le très prestigieux Financial Times. Ngozi Okonjo-Iweala a également une expérience de la gestion de grandes organisations, puisqu’elle a secondée Robert Zoellick à la tête de la Banque mondiale en 2007, en qualité de directrice générale.

Un manifeste en faveur de Ngozi

Pour soutenir Ngozi Okonjo-Iweala, d’anciens économistes et dirigeants de la Banque mondiale comme François Bourguignon ou l’ancien président de l’Agence française de développement Jean-Michel Severino ont signé un manifeste en sa faveur. Parmi les signataires, on retrouve également Serge Michailof, ancien directeur des opérations pour l’Afrique à la Banque mondiale : « Il est certain que l’Américain Jim Yong Kim n’a pas l’expérience, comme Ngozi, du fonctionnement d’une institution très complexe. Il n’a pas non plus l’expérience d’avoir été ministre des Finances d’un pays du Sud en grande difficulté. Si le processus de sélection est véritablement basé sur les mérites et non pour des raisons politiques, Ngozi devrait réussir haut la main ».

Le Colombien José Antonio Ocampo connaît, lui aussi, les rouages de la Banque mondiale. Il semble également très qualifié puisqu’il a été successivement ministre des Finances et de l’Agriculture de son pays. Il a également occupé le poste de secrétaire général adjoint des Nations unies pour les affaires économiques et sociales. Ce sont deux candidatures extrêmement sérieuses qui obligent les Etats-Unis à leur opposer une personnalité importante.

Les émergents divisés

Et alors que l’on attendait des pointures comme Hillary Clinton, la chef de la diplomatie ou Susan Rice, l’actuelle ambassadrice des Etats-Unis aux Nations unies, Washington a créé la surprise en proposant un médecin-anthropologue d’origine coréenne Jim Yong Kim. A défaut d'être très connu, Jim Yong Kim a occupé le poste de directeur chargé du dossier du sida à l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Son origine coréenne devrait être un atout à l'heure où les pays émergents remettent en cause l'hégémonie occidentale aux institutions de Bretton Woods.

Depuis quelques années, ce partage de pouvoirs américano-européen fait face à une vague de mécontentement de la part de plusieurs pays émergents dont la Chine, l’Inde et le Brésil. Reste que le candidat américain a toutes les chances de l’emporter, car les pays émergents ont, encore une fois, eu du mal à s’unir autour d'un seul nom. Si l’Union africaine est derrière la Nigériane, les émergents doivent encore décider quel candidat ils vont soutenir. Le choix de la Russie va également être déterminant. Jusqu’à présent, Moscou n’a pas remis en cause le monopole américano-européen.

L’autre argument en faveur de Jim Yong Kim est que les Etats-Unis détiennent le plus grand nombre de droits de vote au conseil d’administration de la Banque mondiale (16%). Ils peuvent également espérer le soutien des Européens (31%), en retour de leur appui à la candidature de Christine Lagarde à la tête du FMI en juin dernier et du Japon (7%). Le conseil d’administration a jusqu’au 20 avril pour désigner celui qui sera à la tête de la Banque mondiale.

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