Jean Arthuis : « Le Fonds de solidarité financière donne l'illusion qu'il ne coûte rien »

L'ancien président de la Commission des finances de l'Assemblée nationale Jean Arthuis est revenu sur l’accord trouvé le 27 octobre 2011 à Bruxelles sur le sauvetage de la Grèce. Les banques viennent-elles, contraintes, de sauver l’euro et l’Europe ? Explications.

Réalisme. Il faut saluer le réalisme. Que ce serait-il passé ? Pour que les banques sauvent leurs créances, il fallait que les Etats s’endettent un peu plus collectivement pour se substituer aux banques et permettre à la Grèce d’en sortir. Là, ce sont les créanciers qui passent à la caisse. Maintenant les banques vont voir une partie de leurs fonds propres s’estomper. Peut-être que certaines d’entre elles vont être dans l’obligation de recapitaliser pour disposer des moyens suffisants pour financer non pas, l’économie « casino », mais l’économie réelle.

Besoin de capitaux. Lorsque j’écoute les dirigeants des banques françaises, ils expliquent qu’ils n’ont pas de difficultés, qu’ils doivent pouvoir affronter l’épreuve. (Mais) la crainte que j’ai, c’est qu’un certain nombre d’entre eux, pour répondre aux critères prudentiels définis par les accords de Bâle III, se libèrent d’actifs qu’ils portent aujourd’hui et que demain ils restreignent leur potentiel de prêt, alors que l’économie réelle a besoin de capitaux pour investir, pour se développer, pour faire de la croissance et créer des emplois.

Hors-bilan. Le Fonds européen de stabilité financière (FESF) est ce que j’appelle du hors-bilan. Cela donne l’illusion aujourd’hui que cela ne coûte rien parce que cela n’apparaît pas dans le budget, parce qu’il n’y a pas sortie de capitaux mais à terme, il faut être conscient que cela crée des obligations et que cela pourrait bien aboutir à des sorties budgétaires.

Dettes et fonds souverains. Depuis quelques décennies, avec la mondialisation, on voit apparaître de nouveaux pays qui produisent beaucoup plus qu’ils ne consomment. A l’inverse, nous avons des pays qui ont perdu une partie de leur potentiel de production, qui ont maintenu leur niveau de consommation, mais qui n’ont plus les moyens de produire à hauteur de ce qu’ils consomment. Donc d’un côté des fonds souverains, de l’autre côté des dettes souveraines. Je m’inquiète un peu : c’est du crédit à la consommation. Ce n’est pas dans ces conditions qu’on va recréer suffisamment d’emplois, pour faire de la cohésion sociale et réduire nos déficits publics.

Gouvernement fédéral. Des réunions entre chefs d’Etat c’est très bien mais cela ne suffit pas. Un gouvernement européen doit traiter de l’essentiel. Non pas, comme on le fait aujourd’hui de directives pour protéger des espèces, des insectes ou des végétaux en danger, mais pour réguler les marchés financiers, pour encadrer les instruments de spéculation. J’attends ce gouvernement là. Et ce n’est pas un gouvernement qui se réunit tous les six mois. Donc cela suppose des transferts de compétence vers un gouvernement fédéral.

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