Ce design qui a fait le succès d'Apple

Utiliser un produit Apple, pour les fans de la marque à la pomme, ce n’est pas seulement toucher un écran tactile ou taper frénétiquement les touches d’un clavier. C’est aussi compter sur une esthétique singulière à laquelle le défunt Steve Jobs avait porté la plus grande des attentions. Histoire épurée d’un design qui l'est tout autant.

« La simplicité peut être plus difficile à atteindre que la complexité : il faut travailler dur pour bien penser et faire simple », disait Steve Jobs. Cette formule en forme d’adage trotte depuis longtemps dans la tête des ingénieurs d’Apple, comme dans celle des designers. Et si on en juge par les 317 brevets déposés par Apple que le New York Times a fidèlement reproduits sur son site, difficile d’envisager que l’esthétique ne compte pas autant, sinon parfois plus, que le système qu’il revêt.

 

 

Pourtant, à ses débuts, cette remarque n’avait rien d’évident. En avril 1976, lorsque l’Apple 1 sort à seulement 200 exemplaires du garage de Steve Wozniak, l’autre fondateur de la marque, difficile de le distinguer d’une boîte à pain. Il s'agissait d'un simple boîtier abritant la carte mère, et que l’utilisateur pouvait compléter à sa convenance avec un clavier et un écran. Huit ans plus tard, en 1984, sort le Macintosh : l’outil indissociable du monde du travail des années 1980 - il était notamment très utilisé pour la publication assisté par ordinateur (PAO) - est aussi un monstre de sobriété et de simplicité, puisqu’il préfigure les interfaces de navigation que l’on connaît aujourd’hui. Déjà perçu comme une véritable oeuvre d'art par ses concepteurs, beaucoup de modèles de l'époque conservent leurs dédicaces sous le capot. 

L'iMac et ses courbes voluptueuses relance Apple

 

 

 

 

Mais les années 1990 ne sont pas roses pour Apple qui voit ses ventes reculer au profit du grand rival Microsoft emmené par un Bill Gates dont l’enthousiasme n’a d’égal que celui que Steve Jobs affichait dix ans plus tôt. En 1998, la firme de Cupertino se relance pourtant grâce à l’iMac : avec ses courbes voluptueuses et ses couleurs clinquantes, il séduit les jeunes cadres, ceux que les start-up bourgeonnantes emploient alors à tour de bras.

« La stratégie de Steve Jobs était d’aller au-delà de l’iMac pour adopter une stratégie qu’il appelait le ' Digital Hub ' », explique Guillaume Gete, consultant indépendant pour la firme. Une sorte « d'univers Apple » où tous les produits gravitent autour de l'ordinateur de la marque et s'interconnectent. Ainsi, au tournant du troisième millénaire, la marque à la pomme décide de s’attaquer au marché tout récent des baladeurs numériques. Même recette, et donc même succès pour l'iPod en 2001. Son style épuré préfigurera celui de l'iPhone, six ans plus tard.

 

 

 

 

 

 

La seule constante depuis les années 1970, c'est le logo. La célèbre pomme a habillé la quasi-totalité des appareils de la firme à l’exception des tout premiers modèles qui arboraient un Isaac Newton sous son arbre. Mais que signifie alors la morsure dans la pomme ? Une référence à la genèse biblique ? Un hommage à Alan Turing, fondateur de science informatique mort en mangeant une pomme ? « Le designer a tout simplement avoué que la pomme a été croquée pour ne pas la confondre avec une cerise », répond Guillaume Gete, dans un rire. Les légendes ont souvent la vie dure.

A la recherche d'un language visuel

De fait, dès les débuts de l'aventure, le design a tenu une place centrale dans la stratégie de l'entreprise. « A partir de la création du deuxième ordinateur, l’Apple 2 (1977), Steve Jobs a voulu que l’ordinateur soit dans un boîtier plastique, en couleur, avec un logo également en couleur pour montrer que l’appareil pouvait en générer, détaille le consultant. Il y a eu une équipe design constituée dès les premières années. (…) Après le lancement du ' Mac ' en 1984, Steve Jobs a cherché uniquement des entreprises de design européennes car il pensait que la culture américaine n’était pas suffisante pour lancer ses produits ». C’est à ce moment qu’a été créé le « Snow white design », c'est-à-dire le langage visuel Apple : peu de textures, utilisation importante du blanc et du gris clair, logo en trois dimensions, finesse des produits, etc.

En réalité, pour Steve Jobs et son équipe, le paraître est indissociable de l’être. « Certaines personnes pensent que ' design ' signifie ' à quoi un objet ressemble  . Mais ce n’est pas vraiment à quoi cela ressemble mais plutôt comment cela fonctionne », expliquait ainsi l’ancien patron de la société californienne. Rien n'est beau s'il n'est pas fonctionnel, en somme.

Publicité : le choix de l’anticonformisme

Et avec un design si singulier, Apple ne pouvait que miser sur une promotion tout aussi atypique. La marque s’est d'ailleurs peu trompée en terme d’impact sur le public. Pour le lancement du Macintosh, par exemple, la firme avait frappé fort : lors de la coupure publicitaire du troisième quart temps du Super Bowl, elle avait diffusé un spot inspiré du roman 1984 de George Orwell et réalisé par Ridley Scott, devant près de 100 millions de téléspectateurs. Soixante secondes qui ont marqué l’histoire de la publicité à la télévision, selon de nombreux spécialistes, et qui égratignaient au passage l’hégémonie d’IBM. Une publicité qui donnera surtout le ton des suivantes en surfant essentiellement sur le thème de l'anticonformisme.

 

 

 

 

 

 

 

 

Reste à savoir ce qu'il adviendra de l'aspect si particulier des produits Apple après la mort de son cofondateur, ce mercredi 5 octobre 2011. Car si Steve Wozniak était l'informaticien de génie, c'est bien Steve Jobs, le « visionnaire », qui fut le créateur de « l'univers Apple ».

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