«La ola verde», une vague verte au festival de cinéma de San Sebastián

Le réalisateur argentin Juan Solanas est à San Sebastián où se tient le festival international du film pour présenter son documentaire « La ola verde » qui raconte la vague verte qui a balayé l'Argentine lors de la discussion à la Chambre des députés puis au Sénat de la loi proposant la dépénalisation de l'avortement. Un texte âprement débattu dans les bancs des assemblées et dans la rue.

De notre envoyée spéciale à San Sebastián,

Beaucoup arboraient le foulard vert de la campagne en faveur de l’avortement libre, sûr et gratuit en Argentine sur les tapis rouges du festival de San Sebastián, mardi 24 septembre. La Ola verde: que sea ley, présenté hors compétition dans la section Horizontes latinos, est un documentaire engagé. Son titre est clair.

On y voit notamment le sénateur Pino Solanas, père du réalisateur et cinéaste renommé, qui a été l'un des porte-voix de la campagne. Lors de sa prise de parole au Sénat, il a assuré les défenseurs de la loi que même si elle ne passait pas cette fois-ci, ils finiraient par avoir gain de cause. L'histoire leur donnera raison, a-t-il déclaré. Un discours fort, prémonitoire et consolateur puisque la proposition de loi a effectivement été rejetée par le Sénat en août 2018 par 38 voix contre 31 et deux abstentions alors qu'elle avait été votée par la Chambre des députés.

Le débat a soulevé dans la société argentine bien des questionnements d'ordre religieux, moraux, sociaux qui sont évoqués dans le documentaire. Des sociologues, théologiens, acteurs de la vie sociale, militants prennent la parole dans de courtes séquences pour défendre le projet de loi. L'hypocrisie de la société argentine est soulignée : l'interdiction de la légalisation de l'avortement pénalise essentiellement les femmes pauvres et les jeunes filles. Un seul chiffre : sur les 320 millions de femmes latino-américaines, seules 8% d'entre elles peuvent interrompre librement leur grossesse.

Jeune et pauvre, la double peine

Etre jeune et pauvre comme Liliana Herrera et c'est la double peine, sanctionnée par la mort. Cette jeune maman de deux enfants déjà est décédée à 22 ans d'une septicémie à la suite d'un avortement clandestin. Elle est devenue le symbole de cette cause : dans l'hôpital où elle a été accueillie dans la province de Santiago del Estero, les soins lui ont été prodigués tardivement pour la punir d'avoir avorté, raconte la famille. Le film nous emmène chez elle, sur ces terres désolées et semi-arides de Santiago del Estero: sa petite maison de parpaings nus, ses deux petites filles, ses parents aux visages marqués par la pauvreté. Des images fortes.

Plus récemment encore, un cas a soulevé l'indignation ; celui d'une enfant de 11 ans violée par un proche et enceinte sur laquelle il a fallu pratiquer une césarienne parce que les médecins ont volontairement tardé à pratiquer l'interruption de grossesse réclamée par la famille et à laquelle elle avait droit.

Les tambours de la colère

La législation argentine prévoit que la justice peut autoriser une interruption de grossesse dans des circonstances extraordinaires de viol, ou de péril pour la mère. Hormis ces cas, une femme qui avorte peut être condamnée à une peine de prison pouvant aller de un an à quatre ans. Découpé en chapitres, avec pour bien appuyer le message, les chiffres frappants du fléau des grossesses précoces et des avortements clandestins, le documentaire donne la parole à plusieurs prêtres des pauvres, des bidonvilles. Eux-mêmes confrontés à ces drames, ils plaident eux aussi pour une dépénalisation de l'avortement au nom de l'égalité et de la justice sociale.

Deux millions de personnes étaient dans les rues à Buenos Aires au moment des discussions au Sénat. Depuis, un nouveau projet de loi a été porté devant les élus en mai 2019. En face, les soutiens du droit à la vie font aussi entendre leur voix et le documentaire de Juan Solanas leur fait aussi une petite place, mais leurs tambours résonnent avec moins de force. Les tambours des militant(e)s de la dépénalisation, des images fortes et lumineuses, n'ont pas fini de résonner en Argentine.

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