«American Honey», un road-trip à travers le Midwest américain

La Britannique Andrea Arnold dépeint dans son nouveau film qui sort ce mercredi 8 février une Amérique pur sucre, mais sans rêves. American Honey raconte l’histoire d’une jeune fille quittant sa famille pour partir avec une bande de jeunes faisant du porte-à-porte. Un road-movie à la découverte d’un pan méconnu des États-Unis, mais qui a du mal à convaincre et à justifier sa durée de presque trois heures. Avec Shia LaBeouf, Sasha Lane et Riley Keough dans les rôles principaux.

Quelque part en Oklahoma. Star, une jeune fille d’une famille pauvre, a faim. Alors elle entraîne ses deux petits frère et sœur dans une benne à ordure à côté d’un supermarché. Un poulet autrefois surgelé et périmé, trouvé parmi les poubelles puantes, fait l’affaire. Ils s’apprêtent à rentrer en stop à la maison quand un minibus avec un groupe de jeunes à bord arrive, la musique à fond, les fesses collées aux vitres. Ça picole, fume, chante et rigole, chacun semble prendre son pied. Fascinée et approchée par Jake, le charismatique leader du groupe, Star prend le lendemain matin la route avec eux, laissant sa fratrie, sa mère trop absente, et son ancienne vie derrière elle.

Américan Honey, trop sucré

Un démarrage explosif, sur les chapeaux de roues. Un peu comme le photographe Larry Clark dans les années 1960 et 1970, quand il avait fait scandale avec sa série rock’n’roll sur une jeunesse américaine à la dérive. Des images poignantes sur une liberté à la fois totale et destructrice, avec une consommation de drogues et une sexualité débridées. Hélas, Américan Honey d’Andrea Arnold, réalisatrice britannique connue pour sa fibre sociale, est à des années-lumière des photos de Clark. Le road-trip cinématographique s’avère à bien des endroits trop sucré, manichéen et classique pour pouvoir remuer les esprits.

Parcourir le Midwest américain, de motel à motel

L’histoire est simple. La nouvelle « famille » de Star n’est rien d’autre qu’une équipe de vente d’abonnements de magazines. Avec des méthodes commerciales bien douteuses. Pour remplir le quota de vente quotidien, ils font leur porte-à-porte tous les jours dans une autre ville, racontent des salades aux clients, jouent la comédie, subtilisent des bijoux qui traînent sur les tables… Leur seule liberté véritable est de chanter à tue-tête et de regarder les paysages défiler. De motel en motel, le concept s’épuise assez vite. Les beuveries, les histoires d’amour et les jalousies se répètent sans grand intérêt et défilent un peu comme les centres commerciaux et paysages du Midwest américain, sans laisser de traces.

Casting sur le parking de Walmart

Dommage. L’énergie dépensée pour le casting et le tournage était immense. Pendant des années, la réalisatrice Andrea Arnold a repéré les lieux pour filmer : des plaines plates de l’Oklahoma en passant par les résidences luxueuses du Nebraska jusqu’aux terrains pétroliers spectaculaires de Williston. Elle a sillonné pendant toute une année les routes américaines et regardé des milliers d’adolescents pour dénicher les perles rares : « On a carrément fait des séances de casting sur le parking de Walmart. » Au final, l’énergie des acteurs apparaît bien trop dirigée, pas assez « sauvage » pour une bande de jeunes et pour nous tenir en haleine sur les 2 h 42 du film.  

Sasha Lane et Shia LaBeouf

Restent les rôles principaux : Sasha Lane incarne Star. Elle crève l’écran avec ses dreadlocks et sa franchise naturelle. Il y a un an, elle était encore serveuse dans un restaurant mexicain au Texas. Aujourd’hui, elle squatte l'écran à côté de Shia LaBeouf, connu pour ses rôles dans Fury aux côtés de Brad Pitt ou dans Nymphomaniac de Lars von Trier. Dans American Honey, son jeu ne paraît pas toujours très nuancé pour incarner Jake, le meilleur vendeur de la troupe, séducteur invétéré et grand consommateur de femmes.

Riley Keough, de Runaways à American Honey

Krystal, la patronne-comptable sans scrupules de cette bande organisée, est façonnée par Riley Keough, déjà aperçue aux côtés de Kristen Stewart dans Runaways et dans Mad Max : Fury Road, réalisé par George Miller. Dans American Honey, elle n’arrive pas toujours à donner une vraie texture au caractère cynique de Krystal qui fixe les règles et encaisse l’argent. Car la liberté absolue chantée avant et après une journée de porte-à-porte n'est naturellement qu’une illusion savamment entretenue pour gagner des dollars. Pour chaque abonnement vendu, Krystal prélève 75 pour cent pour ses « frais ». Quant au plus mauvais vendeur, il sera puni lors de la « looser party » hebdomadaire. Dans Américan Honey, vendre des abonnements s’apparente un peu à vendre le rêve du « American Way of Life ». C’est justement là où le bât blesse.

Une Amérique pur sucre, mais sans rêves

Ils sont jeunes et jolis, mais déjà sans rêves. Une tragédie mal explorée dans le jeu d’acteur et les images. Reste la musique : « De Sam Hunt à Kevin Gates, de Lee Brice à Juicy J, des chansons de country, des hits de rap ». La révolte, le rêve, la sélection, l’amour et le meurtre de ses propres enfants, jusqu’à une Amérique pur sucre, la musique fait beaucoup plus voyager que tout le reste : Recharge and Revolt de The Raveonettes, Dream Baby Dream de Bruce Springsteen, Choices de E-40, Careless Love de Bonnie « Prince » Billy, jusqu'à I Kill Children et American Honey, interprétés par Lady Antebellum. Une invitation musicale à regarder le film une deuxième fois, les yeux fermés.

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