Buys, une histoire du Cap et d’épée

Un roman historique nous replace dans une époque trouble de l’Afrique du Sud, celle des roitelets bantous, des groupes de métis itinérants, des colonisateurs encore vaguement hollandais et de l’arrivée d’un acteur surpuissant, l’empire britannique. Un temps de frontières mouvantes*.

Coenraad de Buys a vraiment existé. Arrière-petit-fils d’un Huguenot de Calais, il naît en 1761 à Montagu dans la province du Cap. Orphelin à sept ans, il s’en va vivre chez sa sœur aînée et s’oppose vite à son beau-frère.

Il devient chasseur, interprète, trekker, en deux mots un personnage truculent. On le trouve, fusil à la main, aux côtés des rebelles de la brève République de Graaff Reinet (1796-1797). Il soutient la révolte des fermiers boers contre la nouvelle autorité anglaise, échappe à la répression en se réfugiant sur des terres des Noirs. Sa tête est mise à prix. Il passe plusieurs années à esquiver les chasseurs de primes. Il vit de razzia et de trafic d’ivoire.

Géant de deux mètres, intelligent, intrépide, indépendant, il est aussi polygame. Le roman insiste sur quatre épouses : Maria, fille d’esclave, métisse, Yese, une redoutable mama xhosa déjà mère d’un chef local, Nombini et Elizabeth. Il baptise lui-même sa descendance. Au total, cet aventurier pilote un groupe de 300 personnes, toutes races confondues.

Buys montre peu de pitié pour les aborigènes khoïsans, en passe d’être laminés, et beaucoup d’intérêt pour les Noirs. Il parle xhosa et joue les interprètes auprès des missionnaires, des marchands et des administrateurs.

Buys est définitivement vomi par les Blancs le jour où il témoigne à charge contre la fermière Ferreira, accusée d’avoir battu à mort une esclave et martyrisé plusieurs autres. Elle s’en tirera avec une amende, Buys reprendra la route du nord, hors de la colonie du Cap. On pense qu’il est mort chez les Vendas.

Ses lettres sont savoureuses, l’écrivain Willem Anker leur a donné un contexte rabelaisien, plein d’énumérations et d’outrances. Quand il évoque un léopard ou une hyène, Buys emploie les termes de l’époque, le tigre et le loup - animaux inconnus dans la région.

Anker est assistant à l’université de Stellenbosch, né en 1979. Son livre a obtenu le prix 2015 de l’université de Johannesburg, face à des ténors comme Antjie Krog et Kerneels Breytenbach. Un romancier à suivre.
 

* Willem Anker, Buys, ‘n grensroman, Kwela, 2014

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