Liesl Louw est une des rares journalistes sud-africaines à avoir sillonné l’Afrique. Mieux encore, elle a vécu à Dakar. Elle en a tiré un livre alerte et drôle, Anderkant Timboektoe (De l’autre côté de Tombouctou), hélas non traduit en anglais. Cette année elle revient avec un ouvrage sur la diplomatie sud-africaine depuis l’avènement de la démocratie en 1994*. Elle pose d’emblée la question : l’Afrique du Sud joue-t-elle le rôle de grande puissance du continent ou verse-t-elle dans un néo-colonialisme de mauvais aloi ?
Partout en Afrique, l’arrivée au pouvoir de Mandela a provoqué des espoirs immenses. Le continent pouvait s’enorgueillir d’un héros véritable, personnalité intègre autant que chef charismatique, ayant réussi une transition délicate. Aux yeux des Africains, l’ANC désormais aux manettes saurait remercier les pays qui avaient accueilli ses réfugiés et ses guérilleros.
De fait, Mandela s’est montré reconnaissant envers tous ceux qui ont soutenu la lutte contre l’apartheid à une époque où peu de pays s’en souciaient : il s’est rendu officiellement en Algérie et en Libye.
Très vite le grand homme est appelé comme médiateur dans plusieurs conflits. Son ministre adjoint aux Affaires étrangères, Aziz Pahad, est la figure active et discrète de la diplomatie sud-africaine. Thabo Mbeki tachera de lui donner du lustre en appelant à une Renaissance africaine. Il obtient des résultats dans l’approfondissement du rôle de l’Union africaine. En revanche les arbitrages dans les conflits connaissent des fortunes diverses.
Le pays de Mandela jouissait il y a dix ans d’une bonne image. Liesl Louw se souvient d’avoir été bloquée à l’entrée de l’UA à Addis-Abeba, jusqu’à ce qu’un garde s’avise de sa nationalité. « Comme vous êtes sud-africaine, vous pouvez entrer. »
Le prestige de l’Afrique du Sud décline après le départ de Mbeki. En proie à la crise, son appui financier devient modeste. Elle perd de son influence dans les négociations. Ses hommes d’affaires ont beau écumer les capitales, ses télévisions arroser le contient, ses produits s’imposer dans les supermarchés, son image se dégrade. La xénophobie ambiante en Afrique du Sud éclate au grand jour en 2008. Des descentes meurtrières font soixante victimes. Les communautés somaliennes, mozambicaines et nigérianes sont les plus durement touchées.
En Centrafrique ses soldats se font massacrer. Ils ne parlaient pas un mot de français, alors que Paris propose depuis longtemps des professeurs à Pretoria.
Jacob Zuma impose sa première épouse à la tête de l’Union africaine en 2012, à l’issue d’une opération à la hussarde, tordant le cou à la règle tacite qui veut que les cinq grands pays du continent s’abstiennent de briguer le poste.
Alors que le Nigéria s’annonce comme la puissance économique en 2040, l’Afrique du Sud manque de vrais alliés sur le continent. La politique extérieure de Zuma pourrait se résumer à un seul objectif : se faire admettre au sein des pays émergents (Brésil, Russie Inde, Chine). L’ouverture vers la Chine semble la principale manœuvre réussie de la présidence Zuma sur la scène internationale.
Minée par les copains et les coquins qui trustent les marchés publics (on parle de tenderpreuners à Pretoria) l’Afrique du Sud n’est plus un modèle pour ses voisins, conclut la journaliste.
* Liesl Louw-Vaudran, South Africa : Super Power or Neocolonialist ? Tafelberg, 2016
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