Des nouvelles de John Coetzee

John Coetzee est un homme de parole. Il ne prise pas les débats publics, mais quand on l’invite dans un festival, il vient toujours avec un texte finement ciselé.

En 1997, convié à la Fête du Livre d’Aix-en-Provence, il avait abordé le thème du réalisme en lisant une histoire d’Elisabeth Costello qui deviendra le premier chapître d’un roman éponyme, rassemblant huit sujets de réflexion qui lui sont chers.

Lors de sa participation au Marathon des Mots à Toulouse en 2010, il avait lu une nouvelle, en alternance avec Muriel Mayette (aujourd’hui directrice de la Villa Médicis) pour la version française. Ce texte vient d’être publié*.

Dans son style fluide et précis, John Coetzee nous apprend qu’avant les grandes sécheresses des années 1930, du blé poussait dans le Karoo. Information surprenante quand on traverse ce gigantesque semi-désert au cœur de l’Afrique du Sud. Le narrateur pilote deux amis américains (dans lesquels je verrais bien Paul Auster et Siri Hustvedt) au milieu de ces terres ingrates. Il regrette le modèle économique qui se développe à présent dans cette région : hôtel victorien jusqu’aux vêtements des serveuses, importation d’antilopes en vue de safari. Devenir les loufiats des touristes fortunés, est-ce un avenir de rêve pour les habitants ?

John Coetzee avait agi de même à Stockholm en 2003, en recevant le prix Nobel de littérature. La nouvelle Lui et son homme décrit les rapports entre Alexander Selkirk, le marin échoué pendant cinq ans sur une île, et Daniel Defoe, l’homme qui l’a rendu célèbre sous le nom de Robinson Crusoe. Ce sont des relations épistolaires, un jeu d’esquives. John Coetzee s’intéresse depuis longtemps à cet écrivain anglais (1660-1731), au point d’intituler Foe un de ses romans. Ce personnage curieux se captivait pour des causes diverses, allant de la peste à l’ancêtre de la guillotine en passant par les canards appelants. Ces volatiles, à l’issue d’un long élevage, étaient emmenés en Allemagne. Dans leur vol de retour vers le Lincolnshire, ils entrainaient leurs congénères sauvages vers leur marécage natal. Des filets permettaient aux maitres britanniques des captures massives.

La troisième histoire décrit les sentiments d’un homme qui achète une maison en Catalogne. Cette opération va bien au-delà l’achat de murs et d’un toit, elle tisse un lien d’héritage avec les occupants précédents. D’emblée elle crée des liens, pas nécessairement cordiaux, avec le village. Nul doute que John Coetzee a mis beaucoup de lui-même dans ce texte, lui qui possède une maison dans le Languedoc. Il aime aussi pédaler en Touraine. Vous ne serez donc pas surpris de l’apprendre : John Coetzee parle très bien le français.

*John Coetzee, Trois histoires, Seuil, 2016
Une larme pour son excellente traductrice Catherine Lauga du Plessis, décédée en mai dernier.

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