Vacances riment-elles avec lectures pour vous ?
Pas toujours. Cela dépend du type de vacances. Il y a des vacances farniente, propices à la lecture. Et puis il y a des vacances actives durant lesquelles on visite des lieux, des villes, où l’on partage des bons moments avec des amis pas vus de longue date et où l’on n’a pas le temps (un comble en vacances !) de se consacrer à la lecture. Contrairement à la musique, la lecture est un plaisir solitaire.
Est-ce que les vacances sont propices à un certain type de lecture ?
Aucun a priori de ce côté-là, mais cela fait longtemps que je n’ai pas lu une bio ou des mémoires. Sinon, « essai», «roman », le genre a tendance à fusionner ces derniers temps, je trouve. Mais je suis plus essai que roman.
Quand et comment lisez-vous pendant les vacances ? Matin ? Soir ? à la plage ou enfermé dans votre chambre ?
Le matin jamais. Le matin, c’est la radio, les journaux, les hebdos. Pour les endroits, la plage bien entendu, à condition d’être confortable (serviette sur le sable + bouquin = torticolis). La nuit aussi, si le lit est vide. Quand tout est calme, la lecture prend une autre dimension. Mais l’endroit idéal pour moi, c’est la campagne, l’après-midi, par beau temps, à l’ombre d’un tilleul, sur une chaise longue. Là, on oublie le temps, totalement. Et on est transporté. Sinon dans le train. Mais en « formule Zen » dans le TGV. Autrement, c’est injouable. Dans un lit, sous les toits, quand il pleut l’après-midi, c’est bien aussi.
Que vous inspire le livre numérique ?
Je n’ai jamais pratiqué mais je n’ai rien contre, a priori. Toute une bibliothèque dans un étui de voyage, cela a forcément des avantages. Personnellement, il y a un côté tactile du livre dont j’aurais du mal à me défaire. En revanche, la prochaine fois que je fais un long trajet en voiture, je vais tenter le livre-audio. Voir défiler des paysages tout en écoutant une belle voix vous lire un roman poignant ou une bio hors du commun, je ne demande qu’à essayer. Je vais quand même attendre d’avoir récupéré mes 12 points sur le permis de conduire avant de tenter l’expérience!
D’où vient votre goût pour la lecture ? Y avait-il beaucoup de livres chez vous quand vous étiez petit ?
Là, c’est très compliqué. J’ai lu très jeune, des choses de mon âge. Mes parents lisaient peu, mes grands-parents pas du tout. J’ai commencé par Oui-Oui et le Taxi jaune comme tout le monde (on ne rigole pas !). Et puis, Bibliothèque rose, Bibliothèque verte, des Arsène Lupin, des Agatha Christie, des Sherlock Holmes, Gaston Leroux (Le Mystère de la Chambre Jaune, Le Parfum de la Dame en Noir), Jules Verne, etc., rien d’original. Ensuite, il y a eu un vrai rejet durant le secondaire. On nous imposait des lectures pour lesquelles je n’étais pas prêt. Ou pour lesquelles je n’avais pas, sans doute, la maturité nécessaire à l’époque. Balzac, ça passait. Mais Flaubert et Stendhal, c’était l’horreur pour moi. Je me souviens de vacances durant lesquelles il avait fallu que je lise La Chartreuse de Parme ». Une vraie torture ! Comme j’étais encore assez discipliné à l’époque, j’étais allé jusqu’au bout. Mais Stendhal m’a dégoûté de la littérature pour un bon moment. C’était très bien écrit, on est d’accord. Mais ça ne me parlait pas du tout. Cette expérience m’a carrément traumatisé. Dans un sens, ça m’a peut-être aussi fait du bien car je me suis mis à dévorer les journaux et les magazines. A 12 ans je savais que je voulais être journaliste sportif et rien d’autre. Une anecdote : en pension, nous avions étude obligatoire tous les soirs et nous étions censé lire ou réviser avant de nous rendre, en rang et en silence, au réfectoire. Ca ne rigolait pas à l’époque ! Moi, j’avais pris l’habitude de découper des photos dans L’Equipe ou France Football et de réécrire les comptes-rendus de matchs dans un cahier, où je collais les photos. Un soir, je me suis fait griller par un surveillant (Monsieur Vilain, ça ne s’invente pas !) et j’en ai pris pour mon grade ! Trois heures de colle ! Le proviseur a même convoqué mes parents et j’ai pris un deuxième savon par mon père ! Quinze ans plus tard, j’étais correspondant à Los Angeles pour L’Equipe et L’Equipe Magazine. Je tenais ma revanche sur ces psychorigides de la pension et mon père était fier de moi. Moralité : il ne faut jamais brider les passions et toujours croire en ses rêves.
Votre premier souvenir de lecture ? Souvenir des livres qui vous ont structuré pendant l’adolescence ?
Là encore, je ne vais pas être très original. Mon gros coup de cœur à l’adolescence, ce fut Sur la Route de Jack Kerouac. La route, la liberté, la musique, traverser les Etats-Unis à toute berzingue sans se soucier du lendemain, ça me fascinait. On était loin de Stendhal, là ! Bien plus tard, j’ai eu moi aussi la chance de traverser les « States » d’Ouest en Est puis d’Est en Ouest, avec ma fiancée qui allait devenir ma femme. On a vécu des moments très forts. On a fait « Sur la Route » à notre façon. Plus tard encore, j’ai parcouru la Route 66 dans son intégralité en 13 jours, pour un reportage, avec une vingtaine de « bikers » français et suisses venus spécialement à Milwaukee pour les 100 ans de Harley-Davidson. La route aux Etats-Unis, ça reste encore magique. Autrement, deux autres grands classiques m’ont marqué aussi à l’époque : La Métamorphose de Franz Kafka et 1984 de George Orwell. J’en ai, littéralement, fait des cauchemars. Et puis bien sûr les poèmes de Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Apollinaire. Comment rester insensible à tant de beauté ?
Le dernier livre que vous avez aimé lire ?
Je suis en train de lire L’Art français de la Guerre d’Alexis Jenni, prix Goncourt 2011, que l’on m’a offert récemment. J’ai du mal à croire que c’est son premier roman, le style est magnifique et la construction très originale. Mais je n’en dis pas plus, je n’en suis qu’au premier tiers. Le dernier livre qui m’ait marqué, c’était Les Lisières d’Oliver Adam. C’est écrit à la première personne. Un écrivain à succès se fait larguer par sa femme et se retrouve avec la garde de ses deux enfants et face à ses démons, dont l’alcool. Il revient sur son passé, retrouve ses parents, la banlieue où il a grandi, ses amis et amies de l’époque. C’est tout à fait dans la lignée de ce genre, né avec Michel Houellebecq, que l’on appelle « la littérature ultra contemporaine » : des autofictions situées en plein dans notre époque où l’on croise parfois des célébrités, où surgissent des événements de l’actualité, des situations du quotidien, le tout saupoudré de deux ou trois scènes de sexe plus ou moins glauques ou torrides. Dans le même style de l’autofiction, j’avais beaucoup apprécié La Théorie de l’Information d’Aurélien Bellanger mais pour des raisons différentes. On y découvre, à travers l’ascension irrésistible d’un « geek » avant l’heure (on a beaucoup évoqué Xavier Niel, le fondateur de Free), le passage de la France du Minitel à la France de la « Box triple play ». Ayant vécu à Los Angeles de 1991 à 2007, je n’ai observé l’avènement de la révolution numérique en France que de très loin, à la jumelle. Et La Théorie de l’Information m’a permis d’avoir plus de repères en la matière. Après, la fin du bouquin est un peu trop « barrée » à mon goût mais vu que ce que Google nous prépare, allez savoir ! Et puis alors, les transitions scientifiques écrites en petits caractères, sur une page, à la fin de chaque chapitre, sont carrément insupportables ! Mais on peut très bien s’en dispenser, ça n’enlève rien au récit.
Un livre que vous aimez donner en cadeau ?
A un copain, sans hésiter : Dans les Forêts de Sibérie de Sylvain Tesson, le fils du célèbre journaliste Philippe Tesson. On en rêve tous : partir loin de tout et de tous pendant six mois, dans un coin perdu mais magnifique, avec une malle de bouquins et juste le strict nécessaire pour survivre, sans téléphone, sans internet, sans télévision et même - je vais en faire bondir quelques-uns à RFI mais tant pis - sans radio. Coupé du monde, quoi. Et puis alors, le style ! Qu’est-ce que j’aimerais savoir écrire comme lui! Dense, direct, compact, enlevé mais sans fioriture, avec un peu d’autodérision, beaucoup de références littéraires… et aussi pas mal de vodka. Pour couronner le tout, j’ai lu Dans les Forêts de Sibérie en maillot de bain sur une plage en Thaïlande alors que l’histoire se déroule en plein hiver, puis au printemps, au bord du lac Baïkal, en Sibérie, donc. Dépaysement total ! J’ai appris que Sylvain Tesson s’était grièvement blessé il y a quelques jours. Il a fait une chute de 10 mètres en escaladant une maison (l’un de ses hobbies). J’espère sincèrement qu’il s’en remettra car, égoïstement, j’ai envie de le lire à nouveau.
A une copine, j’offrirais plutôt : La Liste de mes Envies de Grégoire Delacourt. Je l’ai lu car l’auteur fut l’ami d’un ami quand il travaillait dans la pub. Je lui tire mon chapeau car c’est quand même un tour de force, pour un homme, d’écrire en se mettant dans la peau d’une femme (et vice-versa certainement). Il a réussi, je trouve. C’est l’histoire d’une provinciale, l’action se situe à Arras, qui gagne une grosse somme au Loto et l’auteur nous fait vivre dans sa tête: ses rêves, ses doutes, ses envies, ses hésitations. Je l’offrirais à une femme car les hommes n’ont pas vraiment le beau rôle dans le bouquin. En général, ça leur plaît bien, ce genre de choses, aux femmes (il faut dire qu’on le mérite bien, parfois). J’ai vu que le livre avait été adapté au cinéma avec Mathilde Seigner dans le rôle principal. Une erreur de casting, selon moi. Il faudra que je voie le film pour être convaincu du contraire.
Le ou les livres que vous ne lirez jamais ?
Mein Kampf. J’ai comme qui dirait, un a priori défavorable…
Pourquoi est-ce que vous lisez ?
Pour sortir de l’infernal triptyque « télé - internet - info en continu » qui nous abrutit tous, moi le premier. Je lis pour m’évader, mais, paradoxalement, j’aime bien quand même rester dans le réel et pouvoir m’identifier un minimum aux personnages. J’ai beaucoup de mal avec la littérature dite classique, les romans d’aventure et les sagas. En fait, je n’en lis jamais. Il m’arrive également de « lire utile ». Je faisais beaucoup ça aux Etats-Unis quand je travaillais sur des gros papiers magazine et des sujets que je maîtrisais mal. Je lisais des biographies et des ouvrages journalistiques en anglais. Pour me documenter. C’est indispensable quand on débarque dans un nouveau pays (je n’avais jamais mis les pieds aux Etats-Unis avant de m’y installer). Je le fais encore aujourd’hui mais, il faut être honnête, quand on fait ça - lire utile - on lit souvent en diagonale, pressé par le temps.