RFI : Gregory Porter, quand est-ce que vous commencez les cours de français ? Vous faites beaucoup de concerts en France, ces derniers temps !
Gregory Porter : Oui, c’est vrai, je devrais prendre des cours. Mais sur mon téléphone j’ai déjà l’application pour apprendre le français. J’ai aussi le néerlandais, l’allemand, l’espagnol, le portugais. Mais c’est sûr que le français c’est ma priorité.
Vous avez été élevé au son du gospel. Votre mère était pasteur. Etes-vous croyant ?
Oui, je suis une personne pieuse, mais je suis ouvert et je respecte toutes les croyances. Mais oui, j’ai été élevé dans une communauté religieuse en Californie. Donc je suis très intéressé par la spiritualité. Mais bon… En ce moment, je ne suis jamais chez moi les dimanches, donc je ne vais plus à l’église.
Et cela apporte quoi à votre musique ?
Le respect mutuel est très important. C’est quelque chose que j’ai appris de ma mère. Les sermons qu’elle faisait durant l’office quand j’étais enfant m’ont vraiment marqué. Le thème de l’eau, par exemple ; l’eau qui lave, l’eau qui renouvelle, l’eau rédemptrice. Certaines de mes chansons s’inspirent directement des sermons de ma mère.
Vous étiez destiné à l’origine à une carrière de footballeur américain, mais une grave blessure vous a empêché d’aller au bout de ce rêve. Ceci dit, vous ne trouvez pas qu’il y a beaucoup de points en commun entre un athlète de haut niveau et un musicien professionnel ?
Depuis que j’enchaîne les concerts et que je voyage beaucoup, je me rends compte que oui. L’état de mon corps et de ma voix est particulièrement important. Une autre chose qui compte beaucoup également c’est le travail en équipe. Je fais équipe avec mon groupe. Certes, je suis le leader, mais je ne suis pas du genre à diriger en criant des ordres. J’essaie plutôt de montrer l’exemple. Et quelque part, je pense que j’étais le même sur les terrains de football. J’étais le capitaine, mais je n’étais pas là à engueuler tout le monde. Je disais juste : « Regardez-moi, suivez-moi et on verra ce qui arrivera. »
Votre dernier album, Liquid Spirit est sorti sur Blue Note. Cela a changé quoi pour vous de signer avec le label de jazz le plus prestigieux au monde ?
Artistiquement, cela ne change rien pour moi. Blue Note me permet surtout de mieux faire entendre ma voix et d’atteindre un public plus vaste. C’est vrai que c’est extraordinaire d’être sur un label aussi célèbre ! Mais bon… Cela n’empêche pas que c’est toujours à moi de faire le boulot. Il faut que j’écrive les chansons, que je les chante et que je puise dans mon âme. Avoir signé avec Blue Note m’aide aussi à faire tout cela.
Gregory Porter, vous avez trouvé le parfait équilibre en soul, jazz et musique populaire. Est-ce que pour vous c’est un gros mot de parler de musique pop quand on est chanteur de jazz ?
Non, ce n’est pas un gros mot. Musique pop cela peut signifier plusieurs choses. Cela peut vouloir dire musique électronique, commerciale et sans âme. Mais cela peut aussi vouloir dire une musique qui va droit au cœur. Et c’est le genre de musique populaire que j’essaie de faire.
Dites-nous en un peu plus sur la manière dont vous écrivez vos chansons. Est-ce que vos musiciens y sont associés ou est-ce un processus solitaire ?
Au départ, c’est un processus solitaire. La plupart du temps, j’écris quand je suis en mouvement ; en voiture ou en avion. Parfois, quand mes musiciens sont là, j’utilise le magnétophone de leurs téléphones portables pour conserver telle ou telle idée de mélodie. J’ai besoin de faire cela, dès que quelque chose me vient à l’esprit. Je ne m’assois pas pour écrire. Je laisse l’écriture venir à moi.
Par exemple, aujourd’hui j’étais en voiture et j’ai eu l’idée d’une chanson avec ce message : quand on cherche à devenir célèbre mais sans respecter les autres, on ne devient pas célèbre, on devient infâme. Donc il y aura probablement une chanson sur ce thème sur mon prochain album. D’ailleurs c’est drôle. C’est un disque qui a été écrit en France sur la route pendant cette tournée.
On vous compare parfois à Marvin Gaye ou encore Curtis Mayfield. Vous ressentez un lien, avec ces grands chanteurs des années 70 ?
Oui, je ressens un lien musical et spirituel. Mais ce genre de comparaisons me met aussi un peu mal à l’aise. Car tous les gens que vous avez cités sont des maîtres et si je pouvais, ne serait-ce que leur arriver à la cheville musicalement, ce serait déjà un honneur pour moi.
Au festival de Copenhague et de Juan-les-Pins vous avez partagé la scène avec Stevie Wonder. Cela a dû être un grand moment pour vous...
Oui, cela a été un grand moment à chaque fois. En plus, il a eu de très jolis mots à mon égard. Ça a été super ! J’ai été très honoré !