Booker T. Jones : architecte de la Soul

Il est considéré comme l’un des musiciens les plus influents dans l’histoire de la musique soul aux États-Unis. Avec son groupe les MG’s, le claviériste Booker T. Jones a fait les beaux jours du label Stax notamment avec le tube instrumental Green Onions en 1962, il n’avait alors que 18 ans. Humble et discret, le maître de l’orgue Hammond a également accompagné les stars du mythique label de Memphis comme Wilson Pickett, Rufus Thomas ou encore Otis Redding. Sound The Alarm est le titre de son dernier album sorti en 2013. Rencontre avec ce grand témoin de l’âge d’or de la musique noire américaine lors de son passage au 54e Festival de jazz d'Antibes Juan-les-Pins.

Booker T.Jones, vous n’en avez pas un peu marre que l’on vous parle tout le temps de Green Onions ?

Non cela ne me dérange pas. Green Onions est un morceau que je continue à étudier encore aujourd’hui. J’essaye de le rejouer comme à l’époque. Ce jour-là, l’enregistrement a été vraiment spécial et depuis j’ai dû mal à recréer le son que j’avais sur le disque avec les MG’s.

Pourquoi ?

Je ne sais pas exactement pourquoi… il y a des modulations, certaines inflexions de mes doigts qui sont difficiles à reproduire, mais je pense qu’aujourd’hui je le joue beaucoup mieux qu’il y a quelques années.

Comment pourriez-vous définir le son que vous avez créé pour le label Stax ?

C’était un son brut, un mélange entre un rythme simple et la musique funk. Il y avait aussi le fait que nous n’avions pas les meilleurs micros ni les meilleures bandes d’enregistrement donc parfois il y avait de la saturation. Et puis nous n’avions pas énormément de connaissances sur le processus d’enregistrement… tout cela combiné a fini par créer un bon son, très accessible et très simple.

Vous avez vécu pendant un âge d’or de la musique soul à Memphis. Quels sont vos meilleurs souvenirs de cette période ?

C’est vrai que c’était incroyable de vivre à une époque et dans un lieu où il y avait autant de grands musiciens comme Isaac Hayes ou David Porter. Il y a tellement de bons souvenirs… Mais je dirais qu’enregistrer avec Albert King a été un grand moment, travailler avec Otis Redding également. Et puis le succès de Green Onions a été une énorme surprise pour moi.

Booker T. and the MG’s était composé de deux musiciens noirs et de deux musiciens blancs. En avril 2013, Barack Obama a salué le rôle que la soul de Memphis avait joué dans l’avancée des droits civiques. Qu’en pensez-vous ?

Cela me rend heureux que Barack Obama ait rendu un tel hommage à la soul de Memphis, même si, à l’époque, on ne faisait pas de la politique, on faisait juste de la musique. Ceci dit, on avait conscience d’être un cas à part, car il n’y avait pas beaucoup de groupes interraciaux dans les années 1960.

Green Onions a été un énorme succès instrumental. Pensez-vous qu’il soit encore possible aujourd’hui d’écrire un tube sans paroles ?

C’est une bonne question ! Les gens me demandent souvent « que signifie Green Onions ? Que signifie Time is tight ? ». Ils veulent connaître l’histoire, le thème, le sujet de la chanson : c’est un besoin humain.

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