Françoise Greleau: «Je grandis en humanité à travers mes lectures»

Réalisatrice d'Accents d'Europe, l'émission phare de Radio France Internationale, Françoise Greleau a deux amours: l'émission qu'elle met en boîte quotidiennement depuis 20 ans et la littérature américaine. Passionnée de lecture, elle ne part jamais en vacances sans un Jim Harrison ou un Bret Easton Ellis dans sa valise, ses romanciers fétiches qui lui font oublier le stress de la vie professionnelle et de la vie tout court. 

Est-ce que vacances riment avec lectures pour vous ?

J’adore lire. Je lis deux à trois livres par mois. Plus, si je suis en vacances. Je me souviens d’être partie en vacances il y a quelques années à Madagascar, avec cinq livres dans ma valise. Je les ai lus très vite. Après, c’était dramatique. Comme je ne trouvais pas sur place des livres qui m’intéressaient, je lisais n’importe quoi. On a trouvé dans un hôtel, un vieux numéro du Point : je me suis jetée dessus ! Depuis, je ne pars jamais en vacances sans m’assurer que j’ai assez de lectures pour m’occuper jusqu’à la fin.

Quels genres de livres est-ce que vous aimez lire pendant les vacances ?

Des romans essentiellement, mais des biographies aussi. Mon goût pour les bios a commencé avec Boris Vian que j’ai lu il y a quelques années. Truffaut, Moravia sont quelques-unes des autres biographies que j’ai eu du plaisir à lire. Moravia en particulier, parce que c’est un auteur que j’aime beaucoup. Le dernier livre consacré à la vie d’un homme connu que j’ai lu, c’est l’autobiographie de Keith Richards, le guitariste des Rolling Stones.

Et en romans, qu’est-ce que vous aimez ?

Je ne lis quasiment que des auteurs américains. Chaque fois je rentre dans une librairie, je me précipite au rayon « domaine étranger » et là c’est le bonheur. Je traîne, ,je lis les quatrièmes de couverture, je feuillette… Je suis une acheteuse de livres compulsive. Je ne sors jamais d'une librairie sans un livre dans les mains.

Qui sont vos romanciers américains favoris ?

Jim Harrison, mon préféré. J’adore, j’adore…

Pourquoi ?

Parce que c’est un homme qui ne se regarde pas écrire, qui fait découvrir des univers très différents. Moi je vis à Paris depuis longtemps et plutôt urbaine dans l’âme. Jim Harrison me donne envie d’aller dans le Montana faire la pêche à la mouche, alors que je ne suis pas pêcheur et je ne connais pas le Montana.

Qu’est-ce que vous aimez chez Jim Harrison ?

Moi, ce sont les parcours qui me font chavirer. Mon livre de chevet, c’est Dalva. Un livre que je pourrais emmener sur une île déserte. J’ai à la maison un exemplaire tout vieux, tout pourri de ce livre. Il est gondolé, je l’ai relu dix fois. Quand je n’ai pas de nouveau livre à portée de main, je le reprends, je le relis. Il raconte un parcours de femme. Fantastique ! D'autant plus admirable, qu'il est écrit par un homme ! Il fait parler cette femme. Tout sonne juste.

Qui sont les autres romanciers américains que vous aimez lire ?

J’ai beaucoup pratiqué aussi Bret Easton Ellis. Pour moi, lire Moins que zéro ou Suites impériales était des expériences sans commune mesure avec ce que j’ai pu connaître en lisant la littérature française. Bret raconte les heurs et malheurs de la jeunesse californienne. Des golden boys qui semblent tout posséder, puis tout d’un coup tout part en vrille. Leur descente en enfer est racontée sans affects. Les personnages font des trucs épouvantables ! Ils peuvent jouer à torturer une fille comme ça, qu’ils chopent sur la route... Ils peuvent se permettre de faire absolument n’importe quoi, dépasser les limites tout simplement parce qu’ils ont l’argent. Leurs psychoses sont racotnées avec beaucoup de simplicité. Des phrases simples : sujet, verbe, complément. On dirait un rapport clinique. Je crois que c’est pour cette écriture sans fioriture que j’aime tant les Américains. Ils écrivent beaucoup plus sèchement que les Français. Les écrivains français aiment leur langue, aiment se regarder et s’écouter écrire. Les Français s’intéressent plus à leur manière d’écrire qu’à ce qu’ils écrivent. C’est ce que moi, je leur reproche.

Comment est né votre goût pour la lecture ?

J’ai toujours vu mes parents lire. Toute petite, je les regardais lire ces livres sans images, remplis de caractères noirs et je me disais que je ne pourrais jamais arriver à lire des livres sans illustrations. Je tournais les pages de leurs livres et j’essayais de déchiffrer ces caractères mystérieux qui noircissent les pages. Et pourtant, j’avais vachement envie de lire. Je voulais faire comme les grands.

Votre premier souvenir de lecture ?

C’était un vieux album de Blanche-Neige, avec de magnifiques illustrations ! Un livre un peu déchiré, un peu jauni qui sentait le grenier. Il appartenait à ma mère. C’est le premier livre que j’ai eu en main. Je l’ai encore. Je suis de la génération du disque vinyle et des livres d’histoires pour enfants munis la petite clochette pour tourner la page. Je passais le disque sur mon lecteur de disques et je regardais les images dans les albums. C’est comme ça que j’ai lu Cendrillon, Les Aristochats ou La Fée Clochette. Tant j'avais envie de lire que je faisais semblant de lire à haute voix, tout en écoutant l’histoire sur le disque.

Et depuis vous n’avez jamais cessé de lire ?

Non. J’ai toujours lu.

Aujourd'hui, comment lisez-vous ? Dans une tablette ou êtes-vous restée fidèle au livre papier ?

J’aime le contact du livre papier, mais j’avoue que la tablette, je trouve ça assez formidable. Mais les nouveautés ne sont pas toujours disponibles sous la forme électronique. C'est frustrant. Cela dit, la tablette est pratique pour quelqu’un comme moi qui aime accumuler les livres. Mais comme beaucoup de Parisiens j’ai un problème de place à la maison. La tablette est bien évidemment la solution à mon problème.

Aimez-vous offrir des livres ?

Très peu. Je peux parler de littérature avec des gens ou des livres que j’aime. Mais je ne me vois pas offrir un livre. Pour moi, le livre c’est un peu comme un parfum, c’est perso. Je suis de celles qui croient que se procurer un livre, c’est une démarche personnelle qu’on doit faire soi-même.

Et du coup, vous n’aimez pas non plus qu’on vous offre des livres ?

Sauf des livres de photos ou des livres d’art. Mes amis savent ce que j’aime.

Un livre que vous ne lirez jamais ?

Voyage au bout de la nuit, de Céline.

Pourquoi ?

Je ne sais pas. Je n’ai jamais pu.

Vous l’aviez donc commencé ?

Ah, j’ai commencé plein de fois. Mes amies me disent : « T’es folle ! C’est un livre formidable ! » Mais je n’y arrive pas. Je n’aime pas cette écriture, je n’aime pas le personnage…Je sais, pour plein de gens c’est un livre qui les a constitués, qui fait partie de leur histoire. Eh bien moi, non. Je suis désolée !

Vous qui aimez tant lire, n’avez-vous pas eu envie d’écrire ?

Non… Je me satisfais pleinement de l’écriture des autres. J’y trouve mon bonheur à travers les voyages et les rencontres que seuls les livres savent nous proposer. Je grandis en humanité à travers chacune de mes lectures.

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