Winnie Mandela n’a rien voulu savoir du livret, et n’a pas cherché à avoir un droit de regard sur l’œuvre. Elle a simplement demandé à être surprise jurent les producteurs de Winnie, l’Opéra. Pour Bongani Ndonana-Breen, le compositeur, il s’agissait d’écrire une œuvre sur une femme « plus grande que la vie » pour reprendre son expression. Selon lui, c’est bien l’opéra et un orchestre de 65 instruments qui convenait pour raconter l’histoire de cette icône sud africaine qu’il compare sans hésiter à Lucrèce Borgia ou à Carmen.
Libérer la parole
Pour le compositeur, c’était aussi l’occasion de monter un spectacle purement sud africain, avec de jeunes talents de l’art lyrique, pour raconter une histoire fondatrice de l’Afrique du Sud contemporaine. L'œuvre, intitulée tout simplement Winnie, l’Opéra, débute en 1997 avec la comparution de Winnie devant la Commission vérité et réconciliation, chargée de libérer la parole sur le traumatisme hérité d'un demi-siècle d'apartheid.
La Mère de la Nation, comme on l’appelle encore dans certains quartiers, est mise en cause pour les exactions d'un groupe de jeunes qui formaient sa garde rapprochée, dans le Soweto militant des années 1980. Son Mandela United Football Club est accusé d'avoir tué plusieurs collaborateurs présumés du régime raciste.
Winnie Mandela s’explique et se confie
Face à l’archevêque Desmond Tutu, Prix Nobel de la Paix, Winnie Mandela s’explique et se confie. C‘est l’occasion de revenir sur sa vie : sa beauté, ses relations tumultueuses avec sa fille, mais aussi bien sûr son itinéraire politique, les tortures, l’isolement, la vie loin de son mari, emprisonné pour 27 longues années.
Sur scène, certaines scènes pourraient d’ailleurs être assez crues. Lors des répétitions ouvertes à la presse, une Winnie Mandela encore jeune est représentée à terre devant son tortionnaire, Swanepoel, qui la fouette et l’injurie.
Nelson Mandela n’apparaît jamais
Nelson Mandela, lui, n’apparaît jamais dans cet opéra, et nul n’entend sa voix, même si évidemment il est souvent question de lui. Quant à Winnie, elle est interprétée par une soprano sud-africaine, Tsakane Maswangani, née à Soweto. Le producteur de l’opéra, Mfundi Vundla explique qu’il ne s’agissait pas là de réhabiliter l’image de Winnie Mandela, mais de raconter Winnie, telle qu’un artiste la voit.
Les auteurs désiraient aussi replacer l’action de Winnie Mandela dans son contexte. Cette femme imprévisible qui a embrasé les townships dans les années 1980 pour mettre à bas le régime d’apartheid suscite toujours la polémique en Afrique du Sud. Elle est décrite comme populiste, comme violente, mais les auteurs de l’opéra veulent rappeler qu’elle était alors une femme en guerre, la seule voix qui résonnait quand les leaders noirs sud africains étaient tous en exil ou en prison.