Le secteur de la bande dessinée ne connaît pas la crise. L’an dernier, 31 millions d'album se sont vendus en France. Soit un chiffre d'affaires de plus de 313 millions d'euros. Et cela dure depuis quinze ans.
Pour autant, les professionnels estiment que le marché est devenu mature. C'est ce qui ressort de l'enquête annuelle publiée par le magazine Livres Hebdo. Fabrice Piault en est le rédacteur en chef adjoint et, pour lui, les gros best-sellers en bandes dessinées restent les valeurs sûres. En 2010, c'est les aventures de Blake et Mortimer, Largo Winch et Lucky Luke qui se sont les mieux vendus, il n'y a pas eu de gros renouvellement. Les mangas très connus, comme Naruto ou One Peace marchent très bien mais le marché commence aussi à fatiguer, la croissance s’essouffle.
A Angoulême toutes les bandes dessinées ont droit de cité
Dans les expositions on trouve Snoopy et les Peanuts, qui fêtent leur 60e anniversaire, mais aussi la série à succès d'Heroïc fantasy, Lanfeust de Troy, et de la bande dessinée à tendance plus sociale et politique. Il faut dire que le président de cette 38e édition est Hervé Baruela, alias Baru. L’auteur d’un des premiers romans graphiques publié en France : L’autoroute du soleil, dans les années 1980. Baru est fils d'immigrés italiens. Il a été l'un des premiers à parler, en bande dessinée, de la classe ouvrière. Et il a forcément donné une coloration personnelle à ce 38e festival, notamment avec son exposition au titre énigmatique : D L D D L T qui signifie, « debout les damnés de la terre ! »
Une invitation à être plus familier avec la culture ouvrière. Baru a choisi d'aborder l'exposition par le biais de l'immigration, une question centrale en France, car il y voit l'arrivée de ceux qui seront les futurs ouvriers. Comment vont-ils travailler, comment vont-ils s'amuser, manger, aller au bal, comment vont -ils habiter ? Et tout cela est illustré par ses dessins depuis 30 ans.
Baru, président du jury décernera le Fauve d'or du meilleur album dimanche
86 titres sont en compétition dans la sélection officielle : des cartonnés couleur grand public, des romans graphiques pointus ou des albums humoristico-politiques.
Parmi les favoris : Quai d'Orsay, chroniques diplomatiques, signées Christophe Blain et Abel Lanzac, déjà un succès avec 80 000 exemplaires parus. On déambule dans les coulisses du ministère des Affaires étrangères avec un ministre ressemblant fortement à Dominique de Villepin. Christophe Blain raconte que Dominique de Villepin a bien ri, qu’il s’y est retrouvé, et donc que leur objectif - faire une comédie de caractère - a été atteint. « Ce qui nous passionne, explique Christophe Blain, c'est de décrire des gens qui vivent et d'en faire quelque chose de drôle, d'émouvant, de bizarre, de savoureux et d’observé».
A Angoulême la bande dessinée rencontre d'autres arts
Depuis quelques années, le festival propose des concerts de dessins : des dessinateurs se relaient sur scène et, grâce à une caméra placée au-dessus de la table à dessin, les spectateurs peuvent voir sur l'écran le créateur à l'œuvre dessinant au son de la musique. Benoît Mouchart, le directeur artistique du festival, estime que venir dans un festival pour acheter et se faire dédicacer des albums n'est pas suffisant. Exposer la BD est compliqué. Mais assister à un événement éphémère dans une salle est une autre émotion proche de celle que l'on a dans un festival de cinéma quand on découvre un film.
Ce vendredi soir 28 janvier, à Angoulême, c'est la chanteuse malienne Fatoumata Diawara qui se produira sur scène pendant que Clément Oubrerie, le dessinateur de Aya de Yopougon, planchera à ses côtés.
Et samedi 29 janvier, Baru, le président du festival d'Angoulême, fan de rock' n roll, va dessiner en direct devant les spectateurs pendant que se produiront, sur scène, l'Américain Jon Spencer et le groupe Heavy Trash.