« C’est clairement un cas de sabotage. Ce sont les maoïstes qui l’ont fait », déclare le chef de la police du Bengale occidental au lendemain de la catastrophe ferroviaire survenue vendredi 28 mai au matin dans l’est du pays, sur la ligne Bombay-Calcutta. Si la piste des maoïstes se confirme, cette attaque constituerait donc le dernier épisode d’une longue série qui s’inscrit dans l’histoire mouvementée de l’Inde postcoloniale. C’est une épine dans le pied, dont le pays n'arrive pas à se débarrasser.
On les appelle aussi les Naxalites, en référence au village de Naxalbari, dans l'Etat du Bengale occidental où la révolte a démarré, en 1967. Depuis cette date, la rébellion a prospéré. L’effectif de l’armée rebelle est estimé entre 10 et 20 000 combattants en armes. Depuis sa création, le mouvement a essaimé dans de nombreux Etats de la fédération, au point qu'on évoque « une ceinture rouge » qui parcourt de larges régions du nord et du nord-est de l'Inde : les Etats du Jharkhand, du Bengale occidental, de l’Andhra Pradesh sont au cœur de l’activité. La rébellion a également atteint les Etats d’Uttar Pradesh et du Karnataka. Le pays compte plus de 600 districts, dont plus du tiers est affecté.
Les maoïstes indiens forment une armée capable de mener des coups de force audacieux et sanglants contre les forces de l’ordre et les symboles de l’autorité et contre ceux qui collaborent avec l’administration. Cette guérilla a d’ores et déjà fait des milliers de morts. C’est une guerre civile qui n’épargne évidemment pas les civils qui paient, eux aussi, le prix du sang. Face à la détermination des combattants maoïstes, jusqu’ici l'Etat indien est en échec et enregistre de très lourdes pertes face à un adversaire aguerri et insaisissable. Les maoïstes sont convaincus qu’ils mènent une guerre révolutionnaire juste face à un Etat corrompu, féodal et néo-colonial.
Campagnes militaires sans grands résultats
Le Premier ministre indien Manmohan Singh estime que les maoïstes constituent actuellement « la plus grave menace intérieure pour l’Inde ». Cet aveu révèle la préoccupation de New Delhi dont la stratégie, selon les séquences, oscille entre les appels à la négociation et le déclenchement de campagnes militaires dont les résultats n’ont jusqu’alors jamais été décisifs malgré la création de forces paramilitaires spécialement dédiées et le déclenchement d’offensives régulières avec l’appui de dizaines de milliers de combattants.
Les maoïstes forment un mouvement qui n'aurait certainement pas pu survivre en terrain hostile. Fidèle à la tradition maoïste chinoise, leurs militants se fondent dans la population. Ils sont implantés dans les régions rurales et tirent leur force et leur légitimité de l’extrême pauvreté et de l’exploitation dont est victime la paysannerie. Ils doivent leur longévité à la fois aux soutiens qu'ils recueillent auprès des paysans et à l'incapacité des autorités à engager des réformes pour améliorer le sort de ces derniers.
Dans ces conditions chacun reconnaît que les perspectives d'un règlement prochain sont faibles. Mais qu’il faudra bien négocier tôt ou tard. Chacun attend de l’autre qu’il fasse les premiers pas, exigeant notamment de l’autre le cessez-le-feu, la fin des offensives et la libération des détenus et otages comme préalable à toute discussion.