Depuis un certain temps déjà, le Brésil s’est engagé dans cette crise en tant que médiateur. Un rôle que le géant de l’Amérique latine partage d’ailleurs avec la Turquie. Tout comme le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, le président brésilien Lula ne cesse de réitérer sa farouche opposition à toute sanction à l’encontre du régime iranien, comme il l’avait déjà indiqué à Berlin en décembre 2009.
«Le mieux, c’est de croire aux négociations et d’avoir beaucoup de patience. Et j’espère que nous pourrons ainsi avoir de bons résultats. A savoir qu’il n’y aura pas d’armes nucléaires en Iran et dans aucun autre pays au monde. Que les Etats-Unis désactivent les leurs et que les Russes désactivent les leurs. C’est une question de posture morale : comment demander à des pays de ne pas doter d’armes nucléaires si nous-mêmes, on continue à en avoir ?»
Les intérêts du Brésil en Iran
Derrière la position brésilienne se cachent des intérêts nationaux bien définis. D’abord, l’Iran est un partenaire commercial important pour le Brésil. Les exportations brésiliennes vers l’Iran ont augmenté l’an dernier de 7 %. Les iraniens sont friands de viande, de maïs, de sucre de canne mais aussi de l’éthanol en provenance du Brésil. C’est donc un marché très prometteur pour la 10e puissance économique mondiale. Et puis, tout comme l’Iran, le Brésil a lui aussi des projets nucléaires, comme l’explique Alfredo Valladao, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris.
Et c’est justement un des sujets qui seront abordés cette fin de semaine à Téhéran, un possible échange de combustible nucléaire. Au début du mois, le président iranien avait accepté la proposition brésilienne d’accueillir un échange d’uranium avec son pays. L’idée c’est que l’Iran transfère son uranium faiblement enrichi à un pays tiers qui lui offre en échange de l’uranium hautement enrichi à des fins civiles. Le président Ahmadinejad refuse que cet échange se fasse en France ou en Russie comme le propose l’Agence Internationale pour l’énergie atomique, l’AIEA. Le Brésil pourrait donc être un joker dans ce jeu diplomatique.
Les Occidentaux derrière le Brésil
Pour l’instant, les occidentaux soutiennent l’effort diplomatique du Brésil. Après tout, Lula ne fait que répéter les demandes des pays comme les Etats-Unis ou la France, estime Azadeh Khian, professeur de sciences politiques à Paris.
Les Iraniens ont aussi un intérêt à miser sur le Brésil comme interlocuteur privilégié. Certains observateurs pensent que c’est pour gagner du temps, mais selon Mohammed Reza Djalili de l’Institut des hautes études internationales à Genève, il y a aussi d’autres raisons.
Lula Superstar ?
Selon le journal israélien Haaretz, l’Iran se montre optimiste quant aux discussions avec le Brésil et la Turquie ce week-end. Le ministre des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, espère aboutir à un accord sur un échange d’uranium. Ca serait évidemment un grand succès pour le Brésil. Mais même si le sommet trilatéral à Téhéran échoue, Lula en tirera des bénéfices, estime le politologue Alfredo Valladao.
Pour l’instant, le charisme de Lula est avant tout rhétorique. Son offensive diplomatique n’a pas encore produit de vrais résultats. Ce qui ne l’empêche pas de séduire l’opinion publique. Pour le magazine américain Times , l’ancien métallo de Sao Paulo est devenu la « personnalité la plus influente au monde ».