En Allemagne, une table ronde sur les scandales pédophiles se met en place

Depuis bientôt trois mois, l’Allemagne est confrontée à un scandale massif. Des centaines de cas d’agressions sexuelles sur des mineurs ont été révélées au grand jour. La majeure partie d’entre elles ont eu lieu au sein de l’Eglise catholique. Pour venir en aide aux victimes et améliorer la prévention, une table ronde s’est mise en place, ce vendredi 23 avril 2010.  

La table ronde qui s’est mise en place ce vendredi connaîtra-t-elle le même sort que d’autres commissions avant elle ? Le risque existe que l’actionnisme des pouvoirs publics face à des scandales qui ont choqué l’opinion ne débouche pas sur des résultats probants. C’est sans doute pour faire d’entrée barrage à ces critiques que les trois ministres en charge du dossier (Famille, Education et Justice) ont plaidé dès la première réunion pour des résultats concrets et rapides. Tout est relatif : en mai, des groupes de travail se mettront en place. Des propositions devront être faites d’ici la fin de l’année.

Pour la ministre de la Justice, la libérale Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, qui avait très ouvertement critiqué l’Eglise catholique, le dossier le plus difficile sera celui de l’indemnisation des victimes. L’idée d’un fonds qui serait alimenté par les institutions au sein desquelles les quelques centaines de cas révélés depuis la fin janvier ont été recensés est avancée.

Mieux prévenir les abus sexuels sur mineurs

L’autre axe de réflexion de cette table ronde est l’amélioration de la prévention. La ministre de la Famille, la chrétienne-démocrate Kristina Schröder, plaide pour des engagements contraignants pour les institutions au sein desquelles se trouvent des jeunes. Les lignes directrices édictées par l’Eglise catholique allemande au début de la décennie et destinées à mieux lutter contre les agressions sexuelles en son sein ont été critiquées en raison de leurs limites.

Mais des mesures de principe suffiront-elles ? La déléguée indépendante nommée récemment par le gouvernement allemand, l’ancienne ministre social-démocrate de la Famille, Christine Bergmann, estimait vendredi matin dans une interview qu’une politique de prévention plus efficace impliquait des moyens financiers plus importants.

Une table ronde de 60 experts

La difficulté de la table ronde réside dans sa diversité. Elle est composée de soixante personnes qui devront se mettre d’accord. Des acteurs très divers y participent, des représentants de l’Eglise catholique, en première ligne des scandales actuels, mais aussi des organisations représentant des victimes, les milieux sportifs et scolaires. Le gouvernement a choisi un tour de table très large qui implique des institutions au contact des jeunes et au sein desquelles des agressions sexuelles peuvent se produire. Pour certaines voix critiques, un panel aussi large permettait de ne pas clouer l’Eglise catholique au pilori et d’en faire la source de tous les maux.

Malgré les scandales au sein d’établissements laïcs ou dans des foyers pour jeunes de l’ex-RDA, le débat se concentre en fait sur les responsabilités de l’Eglise catholique. L’institution s’est vue reprocher depuis les premières révélations fin janvier dans un collège jésuite renommé de Berlin, sa politique autiste visant à passer sous silence les agressions sexuelles et préférant muter discrètement des prêtres pédophiles plutôt que de s’adresser à la justice.

L’Eglise allemande a tardé à réagir

Le Vatican et le pape ont aussi subi de nombreuses critiques. Benoît XVI a vu son rôle mis en cause lorsqu’il était en poste en Bavière. Et l’absence de condamnations des abus commis dans son pays par le pape a été fortement critiquée.

Les trois quarts des Allemands jugent que Benoît XVI a mal géré ces scandales. Le soutien pour son action a beaucoup souffert. Et des catholiques quittent plus nombreux qu’à l’ordinaire les rangs de leur Eglise. Dans un pays où l’Etat prélève un impôt pour les cultes, la quitter implique une démarche administrative. Au premier trimestre, des sondages dans différents évêchés montrent que le nombre d’Allemands qui ont franchi ce pas est sensiblement plus important que les années précédentes.

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