Iran: les pasdarans, garde prétorienne d’un régime militariste

L’Iran organise du 22 au 24 avril 2010 des manœuvres militaires dans le golfe Arabo-persique et le détroit d’Ormuz, un secteur maritime crucial pour le commerce pétrolier mondial. Une occasion pour le régime militariste du président Mahmoud Ahmadinejad de défier les partisans occidentaux du renforcement des sanctions internationales contre l’Iran soupçonné de vouloir se doter de l’arme nucléaire. Ces exercices en forme de démonstration de force laissent en effet la place d’honneur aux pasdarans, les Gardiens de la Révolution islamique.

Depuis que les Occidentaux, Etats-Unis en tête, l’ont mis en demeure de donner des garanties de transparence nucléaire, le président Mahmoud Ahmadinejad ne désarme pas. Il saisit au contraire l’occasion d’exercices de routine pour manifester sa détermination à riposter à toute attaque américaine ou israélienne. Avec lui, le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, est monté au créneau pour affirmer que les Iraniens « ne toléreront pas que l'Amérique établisse à nouveau sa domination diabolique en brandissant de telles menaces », une allusion à la nouvelle doctrine nucléaire de l’administration Obama selon laquelle les Etats-Unis n'excluent pas l'utilisation d'armes atomiques contre l'Iran et la Corée du Nord.

Démonstration de force régionale

L’un des principaux représentants des pasdarans dans l’état-major iranien, le général Hossein Salami, a donné le ton des manœuvres du « golfe Persique ». D’après lui, celles-ci visent à faire « prendre conscience au monde de l'importance de la sécurité dans cette région et du rôle indéniable de la République islamique à cet égard », du rôle de sa garde prétorienne aussi. Leur objectif strictement militaire est en effet de tester la capacité des Gardiens de la Révolution à faire bon usage des missiles de croisières pour garantir l’ordre iranien dans le golfe Persique, le détroit d'Ormuz et le golfe d'Oman.

Dimanche 18 avril  déjà, pour la Journée de l’Armée, un défilé militaire avait permis au très nationaliste président Ahmadinejad d’exposer ses missiles Ghadr 1, d'une portée de 2 000 kilomètres, ses Shahab-3 capables d’atteindre une cible à 1 800 kilomètres, mais aussi des Sejil 2, Fateh, Raad et autres Nasr 1. Une menace existentielle pour Israël, un risque potentiel pour les Etats-Unis, selon le secrétaire adjoint à la Défense américain, James Miller, qui estime l’Iran capable de parvenir à fabriquer un missile balistique intercontinental, d’une portée suffisante donc pour atteindre l’Amérique du Nord d’ici 2015.

Guerre psychologique

« Nous avons pas un tel programme de missile intercontinental. Cela fait partie de la guerre psychologique des ennemis », rétorque le ministre iranien de la Défense, le général Ahmad Vahidi qui assure en revanche que l’armée iranienne a fabriqué un système « anti-missile de moyenne portée de 40 kilomètres et pouvant atteindre une altitude de 20 kilomètres ». Mais vu de Washington, la sophistication constante du matériel militaire iranien n’est pas la seule marque inquiétante du régime de Mahmoud Ahmadinejad, un régime très militariste et désormais fort d’un « complexe militaro-industriel », ainsi qu’il convenait de qualifier de telles structures au temps de la guerre froide.

Le Pentagone américain passe régulièrement au peigne fin les informations des différents « think-tank », comme le Rand, commanditaire d’une étude qui a fait date sur l’entrée en force des pasdarans dans les secteurs clefs de la politique et de l’économie iranienne (« The rise of the pasdaran assessing the domestic roles of Iran’s islamix revolutionary guards corps »). Il souligne aussi au passage le rôle crucial de garde prétorienne du régime que jouent ses quelque 130 000 hommes appuyés par d’anciens combattants de la guerre Iran-Irak organisés dans les milices dites « bassidji ».

Mainmise idéologique, militaire, économique

Les Gardiens de la Révolution sont le fer de lance des forces terrestres iraniennes. Ils sont aussi aux commandes de la marine militaire et des forces aériennes de la République islamique. Mais surtout, ces pasdarans ont essaimé aux sommets de l’Etat depuis la création en 1979 par l’imam Khomeiny de ce corps de gardiens d’élites chargés d’assurer la pérennité de la Révolution islamique. Aujourd’hui, comme à l’heure de leur fondation, les pasdarans gardent la mainmise sur chacune des sphères idéologiques, militaires et répressives, mais ils dominent aussi l’appareil politique et s’autofinancent en monopolisant les secteurs clefs de l’économie et même le marché noir.

Pétrole, transports, mais aussi programme nucléaire et balistique de l’Iran, les Gardiens de la Révolution ont également investi le terrain du social, et bien sûr du politique, au point de se tailler un pouvoir capable de contrebalancer celui des religieux. C’est l’atout maître du président Ahmadinejad depuis son arrivée au pouvoir en 2005. Lui-même issu du corps d’élite militaire et idéologique, il se joue ainsi des divisions qui sont notamment apparues pendant le scrutin contesté de juin 2009 au sein de la nomenclature politico-religieuse.

Pilier idéologique, militaire et économique de la République islamique d’Iran, le corps des Gardiens de la Révolution est désormais la cible désignée des sanctions internationales et en particulier celle des Etats-Unis qui ont décidé en février dernier de geler les avoirs américains de certaines entreprises iraniennes ressortissant de la galaxie des pasdarans. Une cible mouvante et composite puisque certains de ses dignitaires ont renoncé au battle-dress et à l’étendard des vétérans. Une entité en osmose avec le pouvoir mais dont les ressorts restent difficiles à appréhender. 

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