S'il y a bien un sujet qui rassemble aujourd'hui aux Etats-Unis, c'est la question de la sous-évaluation de la devise chinoise. C’est en effet une coalition bipartite, composée de démocrates et de républicains, qui est partie en guerre contre le yuan à travers un projet de loi qui prévoit, à terme, de fortes sanctions commerciales contre tout pays qui manipule sa devise. Cette offensive des sénateurs américains intervient quelques semaines avant la publication par le Trésor d'un rapport semestriel crucial qui doit justement déterminer si le yuan est manipulé ou non.
Malgré les nombreuses critiques adressées de façon récurrente à Pékin sur sa monnaie, l'administration américaine s'est jusqu'à présent bien gardée de parler de gestion sous influence de la monnaie chinoise, se contentant de conclure que le yuan était sous-évalué.
Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à partir en croisade contre le yuan. L'Union européenne, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international accusent eux aussi la Chine de maintenir sa monnaie à un taux artificiellement bas pour doper ses exportations. La faiblesse du yuan introduit en effet une forme de protectionnisme qui ne dit pas son nom puisque les produits chinois ne souffrent d'aucune concurrence sur le marché mondial. C'est pourquoi les appels se sont fait ces derniers temps de plus en plus pressants pour que Pékin réévalue sa monnaie. La Chine l’a d’ailleurs déjà fait dans le passé. Pendant trois ans, de juillet 2005 à juillet 2008, les autorités de Pékin ont en effet laissé le yuan s'apprécier de 21% par rapport au dollar. Mais pour faire face à la crise financière, la Chine a décidé de bloquer cet ajustement pour protéger ses exportations et donc son économie.
Pékin imperturbable
Aujourd'hui, face aux critiques de Washington, Pékin reste imperturbable. « Les Etats-Unis ne peuvent pas demander aux autres d'apprécier leur monnaie pour favoriser leurs propres exportations. Ce serait égoïste », ont ironisé les autorités chinoises. Le Premier ministre Wen Jiabao n'a pas pour autant fermé la porte à une réévaluation progressive du yuan. Mais elle se fera quand Pékin le décidera et à ses conditions. La Chine estime en effet que trop d’incertitudes pèsent encore sur la reprise économique mondiale et que dans ce contexte elle préfère privilégier la stabilité de sa monnaie.
Cette position est largement partagée par les économistes de la CNUCED, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. Contre toute attente, ils ont récemment fustigé les appels à une réévaluation du yuan. Selon eux, ceux qui réclament une appréciation de la devise chinoise ne prennent pas en compte l'importance de la stabilité de la Chine pour l’économie mondiale. « S'imaginer que la Chine va laisser son taux de change à la merci de marchés complètement instables et risquer une appréciation brutale telle que l'a connue le Japon, c'est ignorer absolument l'importance de sa stabilité interne et externe pour la région et pour le monde entier », note l’organisation onusienne.
La CNUCED rappelle également que la Chine est le pays qui, parmi les émergents, a pris le plus de mesures pour stimuler sa demande intérieure à travers un plan de relance de 550 milliards de dollars. Sans doute, une façon de souligner que la croissance chinoise ne dépend pas uniquement de ses exportations.