De notre correspondante à Santiago, Claire Martin
« Les autorités de Santiago ne savent pas ce qui se passe dans la rue ici, implore Marcelo Riveras, maire de Hualpen, petite ville du centre-sud du Chili, en direct sur les ondes de la radio nationale Bio Bio. Ils passent au-dessus en hélicoptère, mais ils ne descendent pas. La situation leur a échappé. Nous avons besoin d’aide. C’est le chaos ici. »
Les sanglots finissent par faire trembler sa voix alors que le maire socialiste appelle au secours la présidente Michelle Bachelet, après le pillage du centre de santé et de sa propre municipalité. « Le gouvernement ne semble pas avoir les mêmes informations qu’au centre-sud du pays, la région la plus dévastée par le séisme et le tsunami. Il semble même qu’il se mente à lui-même ! » Le matin même, Nibaldo Mosciatti, journaliste de la radio nationale Bio Bio, faisait le même constat en direct, dur, critique.
Au lendemain de la deuxième nuit passée dans le froid, à la belle étoile pour les centaines de milliers de sinistrés de la région de Maule et dans la région de Concepción, la deuxième plus grande agglomération du Chili, comptant près d’un million d’habitants, le ministère de l’Intérieur avait annoncé que la nuit avait été « assez tranquille », grâce au couvre-feu décrété dimanche par la présidente Michelle Bachelet qui a déclaré l’état d’exception dans les régions les plus affectées.
Une population qui vit dans l’insécurité des pillages
1 300 militaires devaient assurer la sécurité d’une population qui vit dans l’insécurité des pillages et de la loi du plus fort. Ils ont arrêté 55 personnes pour violation du couvre-feu.
Or, « assez tranquille », ce n’est ni le sentiment, ni la réalité de la nuit qu’ont vécu les habitants des régions de Talca et Concepción. « J’ai veillé toute la nuit, un morceau de bois dans la main pour toute arme, pour éviter qu’on vienne piller la maison, explique José à la journaliste de la chaîne de télévision Chilevision avant d’aller à l’hôpital où il travaille. En cas d’attaques, on criait pour que les voisins viennent à notre secours. Et il y a eu des attaques, des bandes armées ont attaqué certaines maisons pour les voler. De toute cette nuit, je n’ai pas vu l’ombre d’un policier. » A 6 heures du matin non plus, il n’a vu ni l’armée, ni la police, lorsque le couvre-feu a été levé et que des groupes ont attaqué les épiceries qui n’étaient pas protégées.
« Il n’y aurait plus un seul supermarché, plus une seule pharmacie, plus une seule boutique intacts à Concepción », répète Tomas Mosciatti, directeur de la radio Bio Bio qui a tenu deux jours durant l’antenne avec son frère. « Autrement dit, tout a été pillé. »
« Nous avons besoin d’aide »
D’abord, des actes de désespoir de mères qui ont besoin de lait et de couches pour leurs enfants, ensuite des actes de vandalisme. Certains sont sortis des supermarchés un plasma sous le coude. Si le couvre-feu peut être qualifié d’échec, par manque de forces militaires et de policiers, on imagine quelle nuit ont passé les habitants des villes où le couvre-feu a été purement et simplement refusé, comme Chillán, où ont circulé toute la nuit des bandes armées venues piller.
« Nous avons besoin d’aide ». Une phrase qui revient sans cesse dans la bouche des habitants de la région. Besoin d’aide face à l’insécurité et à l’anarchie qui grandissent dans ces régions et amènent la population à s’autoprotéger, armes à la main. Besoin d’aide aussi car ils manquent de tout. Il n’y a pas d’eau potable, pas d’aliments, pas d’électricité, pas de chauffage, pas moyen de se laver ou de laver, pas de moyens de communication, pas d’essence non plus.
Que font donc les autorités ? « Elles font ce qu’elles peuvent », répond la porte-parole du gouvernement, Pilar Armanet, tandis que les médias critiquent un manque de rapidité et de prise de conscience de l’ampleur de la catastrophe. Si l’aide alimentaire et les militaires atteignent tout juste au compte-gouttes les villes, les habitants des villages côtiers, sous les eaux du tsunami, sont encore laissés à eux-mêmes.