Les sanctions de l'ONU pourraient viser les Gardiens de la Révolution islamique

Les propos d'Hillary Clinton sur les Gardiens de la Révolution iraniens ont fait couler beaucoup d'encre. En visite au Qatar depuis lundi 15 février 2010, la secrétaire d'Etat américaine a annoncé que de nouvelles sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU pourraient viser l'armée idéologique iranienne.

En tournée dans le Golfe pour recueillir un soutien international à de nouvelles sanctions contre l'Iran pour son programme nucléaire, la secrétaire d’Etat américaine a affirmé que les pays voisins de l'Iran avaient raison de s'inquiéter des ambitions nucléaires de la République islamique.

Hillary Clinton a assuré que les Etats-Unis n'envisageaient pas le recours à la force mais qu'ils cherchaient à renforcer les pressions internationales sur ce pays à travers le Conseil de sécurité de l'ONU. Ces pressions « viseront notamment les entreprises contrôlées par les Gardiens de la Révolution, qui à notre avis sont en train de supplanter le gouvernement d'Iran », a-t-elle affirmé, ajoutant que « l'Iran se dirige vers une dictature militaire ».

Qui sont les Gardiens de la Révolution?

Le corps des Gardiens de la Révolution a été crée dès 1979 par la toute jeune République islamique qui avait besoin de forces loyales. La guerre Iran-Irak (1980-1988) permet à ces troupes d’élites de forger leur identité et leur influence. « Après la guerre, ces anciens combattants ont été bien soignés par le régime et aujourd’hui, ils occupent des places importantes dans toutes les administrations » explique Bernard Hourcade, spécialiste de l’Iran au CNRS.

Forts de 130 à 140 000 hommes, les Gardiens de la Révolution ou « Pasdaran » constituent une armée parallèle aux forces régulières. Ils disposent de leurs propres unités terrestres, navales et aériennes notamment. Ils sont également impliqués dans le soutien aux groupes étrangers, alliés de Téhéran (comme le Hezbollah libanais).

Pourquoi les Etats-Unis ciblent-ils ces Gardiens de la Révolution?

Les Pasdarans et anciens-Pasdarans sont devenus une composante essentielle de l'Iran d'aujourd'hui. Politiquement, puisque le président Mahmoud Ahmadinejad, le président du Parlement Ali Larijani ou encore le maire de Téhéran, Mohammed Ghalibaf sont issus de leurs rangs. Mais leur puissance est aussi économique : ils forment « un énorme conglomérat économique » explique Mohammed-Reza Djalili, professeur de Sciences politiques à l'Institut de hautes études internationales et du développement de Genève, qui note que « les Gardiens sont impliqués dans l’industrie militaire, l’industrie civile, le commerce international, le pétrole, le gaz… ».

Puissants militairement, politiquement et économiquement, les Gardiens de la Révolution sont déjà visés par des sanctions, américaines et onusiennes. Et si les membres du Conseil de sécurité de l'ONU se mettent d'accord dans les prochaines semaines pour durcir ces mesures, les Pasdarans devraient une fois de plus être sous pression.

Pourquoi Hillary Clinton parle-t-elle d'un Iran qui se transformerait en « dictature militaire »?

La secrétaire d'Etat américaine semble reprendre à son compte la théorie de la « militarisation du régime », dans un Iran, où finalement le politico-militaire supplanterait le politico-religieux. « Les Gardiens de la Révolution constituent un réseau fidèle à la République islamique et au guide suprême, analyse le chercheur Bernard Hourcade, mais ils sont rivaux du clergé » à l’intérieur du système. Des Gardiens de la Révolution dont la montée en puissance modifie les équilibres internes en Iran, même s’ils ne constituent pas un groupe homogène.

Rappelons que l'un d'entre eux, Mohsen Rezai, fut candidat à la présidentielle de juin 2009 et qu'il a contesté un temps la réélection dès le premier tour de Mahmoud Ahmadinejad, avant de se rétracter.

Les déclarations d'Hillary Clinton correspondent-elles à une nouvelle stratégie américaine?

Le 21 mars 2009, quelques semaines après son arrivée à la Maison Blanche, Barack Obama enregistrait un message vidéo pour Norouz, le Nouvel an iranien. Le président américain adressait ses voeux au peuple iranien mais aussi aux dirigeants du pays. C'était la politique de « la main tendue » promise par Barack Obama dès sa campagne électorale, pour tenter de surmonter 30 ans d'hostilité et de rupture entre Washington et Téhéran, mais aussi pour essayer de sortir de l’impasse nucléaire.

Depuis, il y a eu les manifestations postélectorales en Iran et leur répression. Et en parallèle, aucun apaisement dans le dossier nucléaire, au contraire. A l'heure du bilan, certains pointent « l’échec de la politique de la main tendue américaine, qui n’a pas été saisie par les dirigeants iraniens », selon l'analyse de Mohammed-Reza Djalili, de l'Institut de hautes études internationales et du développement ».

Dans ce contexte de durcissement, de tension autour de l'Iran, il peut être tentant pour les Etats-Unis et d'autres pays occidentaux de cibler les Gardiens de la Révolution. Mais pour Bernard Hourcade, du CNRS, les Pasdarans sont divisés et tous ne suivent pas Mahmoud Ahamadinejad. « C’est peut-être une erreur stratégique de cibler les Gardiens, explique le chercheur, on a peut-être tort de croire qu’ils sont la clé du système. La clé, à mon sens se trouve encore dans le clergé mais aussi dans la tentative d’émergence d’Ahmadinejad et de ceux qui l’entourent ». 

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