La droite de retour au palais de la Moneda

Sebastian Piñera a remporté dimanche 17 janvier 2010, à 60 ans, l’élection présidentielle chilienne. Le leader de la droite, qui  réclamait l'«unité» nationale lors de sa première intervention dimanche  soir, est arrivé devant son rival Eduardo Frei avec 51,61 % des voix (résultats quasi-définitifs). Pour la première fois en vingt ans, c’est l’alternance au Chili.

Vingt ans après la fin de la dictature d’Augusto Pinochet, la droite, qui n'avait pas remporté d'élection présidentielle depuis 1958, revient donc au pouvoir. Ce dernier tour de scrutin fut extrêmement disputé. Sebastian Piñera était opposé à la coalition de centre-gauche, conduite par le sénateur démocrate-chrétien Eduardo Frei. La coalition, au pouvoir depuis vingt ans, essuie donc une défaite cinglante.

« Une ère vient de finir, a souligné le député de la Coalition Ricardo Lagos Weber, une nouvelle ère commence. » La présidente socialiste sortante, Michelle Bachelet, bénéficiait pourtant d'un record de popularité - 81 % d'approbation selon l’institut de sondages Adimark, obtenu essentiellement grâce au programme social qu’elle a impulsé : réforme des retraites, primes directs aux plus pauvres au plus fort de la crise, construction de crèches et jardins d’enfants pour permettre aux femmes de travailler.

Le candidat Eduardo Frei n’a pas réussi à profiter de cette popularité. Cet ancien président (1994-2000), est un ingénieur peu charismatique et peu éloquent. Il avait obtenu seulement 29,6 % des voix au premier tour en décembre, le pire résultat de la coalition de centre-gauche depuis les premières élections de la démocratie en 1989. Les Chiliens ont choisi le «changement», leit-motiv de Sebastian Piñera. Eduardo Frei a félicité son opposant, et appelé les partisans de sa coalition à rester unis. Cette coalition devrait vivre une crise importante, qui pourrait même voir une partie de la démocratie-chrétienne rejoindre les rangs de la droite.

Le milliardaire homme d’affaires a pris sa revanche sur sa défaite en 2006 face à l’actuelle présidente Michelle Bachelet. Cet ancien sénateur, entre 1990 et 1998, a réussi à rénover l’image de la droite chilienne, la rendant fréquentable, affranchie de son passé liée à la dictature d’Augusto Pinochet. Lui avait voté contre la continuité au pouvoir de l’ancien dictateur en 1988 lors d’un référendum historique, contrairement à la majorité de sa coalition.

L'une des plus grandes fortunes du pays

Cet hyperactif, l’une des plus grandes fortunes du pays – son patrimoine atteindrait 1,2 milliard selon la revue Forbes – a réussi à convaincre que ses actions dans les principaux secteurs de l’économie, n’influerait pas sur sa gestion du gouvernement. «Il ne va pas voler, il a déjà suffisamment», entend-on souvent dans les rangs des partisans de Piñera. Cependant, s’il a mis ses actions sous la gestion d’un «fonds aveugle», une instance constituée de gens de confiance qui gèreront ses affaires, rien ne l’empêchera d’ouvrir le journal sur le cours des actions qu’il a en bourse… Il conserve également une des principales chaines de télévision hertzienne.

Sebastian Piñera a promis un gouvernement jeune, pluriel, rassemblant des gens de gauche comme de droite, « à l’image du gouvernement de Nicolas Sarkozy qu’il admire », souligne l’analyste politique Eugenio Tironi. Il n’a pas exclu d'inclure d’anciens fonctionnaires d’Augusto Pinochet dans son gouvernement, comme Joaquin Lavin, qui avait failli gagner l’élection présidentielle en 2000. « Ce sera un gouvernement très populiste, souligne le directeur de la radio nationale Bio-Bio, médiatique, qui fera beaucoup de publicité autour de ses actions, avec un président star. »

Les premières réformes promettent d’être axées sur le social : un bonus de 56 euros pour 4 millions de foyers les plus pauvres du pays en mars à la rentrée scolaire, la création d’un million d’emplois ou encore l’augmentation des policiers dans les rues.

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