Mitraillage de l’équipe togolaise : le sélectionneur des Eperviers témoigne

L’entraîneur français de l’équipe togolaise, Hubert Velud, était présent dans le bus lorsque celui-ci a été attaqué au Cabinda le 8 janvier 2010. Il livre à RFI le récit de l’attaque subie par son équipe et ses doutes sur la sécurité de la compétition.

 

Hubert Velud : Cette attaque était terrible puisque c’était vraiment pour nous éliminer complètement : les tireurs étaient à dix mètres de chaque côté du bus avec des armes lourdes, des mitraillettes à répétition. Nous devons notre vie à deux gestes : celui du chauffeur qui, malgré une grave blessure qui est peut-être mortelle - parce que l’on ne sait pas dans quel état il est - a su prolonger le trajet du bus pendant trois ou quatre cents mètres ; ensuite, il y a eu la riposte rapide de l’armée angolaise qui nous a sauvés car sinon, je pense les gens qui ont fait ça nous auraient achevés tout simplement.

Personnellement, je me suis jeté très vite à terre au premier bruit. Il y en a beaucoup qui ont eu cette réaction également. La fusillade complète a peut-être duré trente minutes entre la riposte et les gens qui nous tiraient dessus. On ne sait pas qui tirait sur qui, on ne savait pas comment ça allait se finir.

Et puis surtout, les plaintes des blessés, du sang partout, le sang des camarades partout. Moi, j’étais inondé de sang, j’étais à côté de l’entraîneur adjoint qui est malheureusement mort, mon ami, mon frère. On a essayé de compresser sa blessure. C’était très difficile...

RFI : Avez-vous eu des contacts avec la CAF ?

HV : Nous avons eu des contacts avec la CAF, et à aucun moment la CAF ne nous a mis la pression pour rester. Ils nous ont laissés le libre choix.

RFI : On a eu la sensation parfois dans la communication de la CAF que celle-ci regrettait un petit peu que vous ayez pris le bus plutôt que l’avion. Est-ce que vous pouvez expliquer pourquoi vous avez fait le choix de prendre le bus ?

HV : A partir du moment où l’organisation de la CAF - ou l‘Angola, je ne sais pas exactement - nous accueille comme on a été accueillis à la frontière, de façon très chaleureuse, et que tout le monde était là, c’est que pour moi tout le monde cautionne le mode de transport. Sinon, on bloque la frontière et on ne laisse pas passer les gens. Donc tout ça ne tient pas. Il ne faut pas se dédouaner de cette façon-là.
Moi, de ma vie, je n’avais jamais entendu parler de Cabinda. J’ai découvert qu’il y avait des séparatistes après l’événement. Moi, je suis entraîneur de football, je ne travaille pas au ministère des Affaires étrangères. Cet aspect sécuritaire, je ne le maîtrisais pas du tout à mon niveau.

RFI : Maintenant que vous avez vécu cet épisode, que vous savez qu’il y a des séparatistes, un front de libération du Cabinda, remettez-vous en cause ce choix de la part à la fois des autorités angolaises et de la CAF ?

HV : Totalement. Et je vais plus loin, je pense que le minimum, c’était de déplacer le groupe [le groupe B de la compétition, basé à Cabinda NDLR] parce qu’il y a trop de risques. Même si on peut penser qu’ils ont fait un coup et que, peut-être, ils ne le referont pas, ou qu’ils n’ont peut-être pas les moyens d’en faire un deuxième. Encore que cela reste à voir. Depuis, évidemment, nous avons eu des informations du ministère des Affaires étrangères de la France nous disant que c’était une zone extrêmement dangereuse. Moi je suis plutôt plus inquiet maintenant pour les supporters des trois équipes qu’autre chose.

RFI : Les joueurs ont eu des contacts avec les autres délégations (le Ghana, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire). Est-ce qu’ils sont dans le même état d’esprit que vous ? Auraient-ils souhaité peut-être qu’on déplace le groupe, qu’on les rapatrie vers Luanda par exemple ?

HV : Oui, dans l’absolu, oui. Tout le monde était d’accord là-dessus au départ. Mais le dernier mot revient toujours aux Etats tout simplement. Je pense qu’on leur a demandé de rester.

RFI : C’est une décision politique ?

HV : Oui, complètement. Ce que je souhaite au moins, ce que j’espère, c’est que tout est fait maintenant pour la sécurité, qu’elle est améliorée et augmentée parce que, même après l’attentat, nous avons trouvé la sécurité très « light ».

RFI : Même après qu’elle a été renforcée ?

HV : Oui. Je ne sais pas si elle était renforcée, mais même après l’attentat, j’ai trouvé que la sécurité était très légère. Cela m’a choqué.

Partager :