Une présidence de l'Union européenne sobre et pragmatique

C’est un navire en pleine tempête que la Suède a dû piloter pendant six mois, avec une Union européenne empêtrée dans la crise économique et gênée par le référendum sur le Traité de Lisbonne en Irlande. Le contexte ne se prêtait guère à une présidence glorieuse, mais acteurs et observateurs soulignent la sobriété et le pragmatisme avec lesquels Stockholm a su avancer sur des dossiers d’envergure.

« La Suède a piloté la barque avec finesse », si l’on en croit Jean-Luc Sauron, maître de requêtes au Conseil d’Etat français, « Cette présidence n’a pas été simple, mais tout le monde s’accorde sur le fait que Stockholm a bien géré les affaires ». Un avis partagé par Joseph Daul, chef du groupe conservateur au Parlement européen. Devant les parlementaires à Strasbourg, il s’est réjoui de « la gestion honnête et responsable des affaires européennes, qui a été la marque de fabrique de la présidence suédoise ». Il faut dire qu’après la présidence tchèque, pour le moins chaotique, la Suède n’avait pas trop de mal à être à la hauteur des attentes.

Entrée en vigueur du Traité de Lisbonne

La plus grande avancée est sans aucun doute l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre. C’est le « oui » irlandais qui a ouvert la voie en octobre, mais la menace du président tchèque Vaclav Klaus de ne pas ratifier le traité sans obtenir des garanties supplémentaires a donné des sueurs froides au Premier ministre suédois Frederik Reinfeldt. Contrairement à certains Etats membres, désireux de durcir le ton vis-à-vis de Prague, le président de l’UE a adopté une attitude plus souple, finalement couronnée de succès. Après huit ans de négociations laborieuses, la réforme des institutions a enfin pu être adoptée et ratifiée par l’ensemble des 27 pays membres.

Mais une fois le Traité de Lisbonne sauvé, la Suède a dû batailler ferme pour nommer rapidement les nouveaux responsables européens, le Belge Herman van Rompuy comme président du Conseil européen et la Britannique Catherine Ashton comme Haute représentante de la politique étrangère. Frederik Reinfeldt s’est attiré les foudres de ses collègues pour avoir laissé la voie libre aux tractations opaques, menées par la France et l’Allemagne, désireuses de voir des personnalités neutres au lieu de placer des hommes ou des femmes aguerris en politique internationale à ces postes clés.

Frustration de Copenhague

Le plus grand échec de la présidence suédoise a été le Sommet de Copenhague. Se vantant d’être l’élève modèle dans la lutte contre le réchauffement climatique, les 27 n’ont pas su imposer leurs objectifs chiffrés pour une réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle planétaire. Susanne Nies de l’Institut français des Relations internationales à Bruxelles (IFRI) se montre toutefois indulgente vis-à-vis de Stockholm: « Le timing pour cette conférence a été très mal choisi, avec le président Obama élu au début de l’année qui avait un dossier ‘santé’ très important à gérer. Il était clair que la conférence ne pouvait pas aboutir. Les Suédois n’y sont pour rien. C’est l’ONU et non pas l’Union européenne qui a patronné les négociations. »

Le processus d’élargissement avance

Frustrée par la Conférence de Copenhague, la Suède a tout de même pu faire avancer un autre dossier en fin de parcours, strictement européen celui-là : le processus d’élargissement. Après la levée du véto slovène contre l’adhésion de la Croatie, la voie est ouverte pour une entrée rapide de ce pays au plus tard en 2012. La Serbie peut, elle aussi, se réjouir de quelques avancées significatives, avec la mise en œuvre, longtemps attendue, d'un accord commercial entre l'UE et la Serbie, et le feu vert de l'Union pour que les ressortissants serbes, en possession d’un passeport biométrique, puissent voyager en Europe sans visa. Même la Turquie n’a pas été oubliée par la Suède qui a ouvert un nouveau chapitre de négociations avec Ankara, portant sur les questions d'environnement.

La Suède a enfin su imposer sa marque dans la gestion de la crise financière. C’est sous sa houlette que les 27 ont adopté, début décembre, les textes législatifs permettant la création d’instances européennes chargées de la surveillance des banques, des assurances et des marchés.

Fin de présidence assombrie par la Grèce

Mais à la fin de la présidence, un évènement imprévu a failli assombrir le bilan suédois. En décembre, Athènes annonce que son déficit public est deux fois plus important que prévu. Du coup, les agences de notation sanctionnent la Grèce – membre de la zone euro - pour l'ampleur de son déficit et de sa dette. Les Bourses européennes sont ébranlées et la Suède peine à réagir. « C’était un grand choc pour tout le monde qu’un Etat puisse faire faillite », estime Susanne Nies, « Il nous manque les outils et les méthodes pour gérer de telles crises, et la Suède n’a pas pu faire avancer ce dossier » . Pour la chercheuse allemande, c’est le grand défi que la Suède laisse à la fois à la nouvelle présidence permanente et aux Espagnols qui prennent la tête de l’UE au 1er janvier 2010 : « Il faut mettre de l’ordre là-dedans ».

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